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ardentes et colorées, il jettera plus tard le souvenir éclatant de la patrie. Il la quitte à seize ans pour la France, y retourne l’année suivante et définitivement revient en France à l’âge de dix-huit ans. Par sa révélation merveilleuse, la patrie des ancêtres va-t-elle reconquérir ce cœur, cet esprit, cette âme ? va-t-elle triompher de « la Belle aux cheveux d’or qui vous bercera comme nulle autre ? » Non. Il garde un fervent amour à la terre maternelle ; bien souvent, dans les lettres écrites du front à son frère, il parle d’elle et de ses destinées avec une inquiétude filiale ; il voudrait aussi la servir et se dévouer pour elle. Mais la douce France reste la maîtresse chérie, élue entre toutes, la terre de beauté qui, dans ce jeune cœur, n’a point de rivale, même pas cette vaste nostalgie rapportée des Andes : le regret du soleil.


La France au doux et clair parler, dont les harmonies sont d’une grâce si parfaite et si mesurée, séduit irrésistiblement certains enfans sortant, tout émerveillés encore, des splendeurs du berceau tropical. Vers la douce, la limpide, l’ombreuse, ils tendent leurs bras brûlans et tournent leurs jeunes regards tout éblouis par les ardens soleils. Aux fleurs de leur pays, les grandes fleurs si parfumées, et de pulpes si riches et de couleurs si radieuses, ils joignent les roses et les lys de la Touraine, les violettes du Valois, les iris et les marguerites de l’Île-de-France, les bruyères de nos montagnes, les muguets de nos bois, les genêts de nos landes et toutes les naïves fleurettes dont nos jardins, nos champs et nos prairies se sont toujours enorgueillis et parés ; puis, cette guirlande entremêlée de beautés diverses, c’est à la France que le jeune poète épris l’offre comme à la Dame de ses pensées. José-Maria de Heredia, jadis, l’élut ainsi pour sienne et à sa couronne éternelle attacha un des plus beaux et fiers fleurons. Mais sa mère était Française… Néanmoins, une sorte de parenté lumineuse n’unit-elle pas entre eux tous les fils du soleil qui vinrent faire hommage à la France de leurs dons les plus purs, de leurs richesses les plus rares ? Tels, dans les images, on voit, aux pieds d’une reine souriante, les preux chevaliers à genoux répandre tous les trésors qu’ils ont conquis dans les pays étranges. Si Hernando de Bengoechea n’a pas eu le temps de