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l’état de choses existant. Je regrette de n’avoir pu aller en France et en Angleterre. Quelque désir que j’aie d’exposer ma situation à Paris et à Londres, je dois renoncer pour le moment à voyager en Europe afin de parcourir la Bulgarie et de préparer les populations à l’exécution de mes plans.

Ainsi, il revenait de son excursion à Pétersbourg, à Vienne et à Berlin, raffermi, rassuré et résolu d’aborder de front les obstacles que la passion des partis avait jusque là dressés sous ses pas. A ce moment déjà, ses intentions n’étaient plus un secret ; on en parlait parmi les hauts fonctionnaires, dans les consulats ; les journaux eux-mêmes y faisaient allusion. Zancof qui n’était plus ministre, Karavélof qui allait cesser de l’être, se préparaient aussitôt à faire échouer le plan dont l’adoption mettrait fin à l’anarchie créée par leur politique imprévoyante et désordonnée. Ils multipliaient les démarches auprès des agens des Puissances, sollicitaient leur intervention pour empêcher un coup d’Etat. Mais partout ils échouaient ; Zancof ayant écrit en Angleterre au ministre Gladstone, celui-ci répondait par une fin de non-recevoir. Karavélof et ses amis ayant envoyé une dépêche à Pétersbourg, l’agent russe en recevait une où il était dit : « Faites-leur savoir qu’il ne leur sera envoyé aucune réponse. »

Entre temps, le prince Alexandre, à la date du 9 mai, adressait aux Bulgares un message sensationnel, dans lequel il exposait le programme qu’il avait adopté et dont l’exécution était confiée à un nouveau ministère présidé par le général Ehrenroth. Il entreprenait ensuite ce voyage à travers la principauté, sur lequel il comptait pour accroître sa popularité et gagner ainsi la partie solennelle qu’il engageait. Cette tournée le conduisait en plusieurs étapes à Sistowo. Là, le 15 juillet, la grande Assemblée votait à l’unanimité les propositions qu’il lui avait soumises et qui faisaient de lui, avec l’agrément des Puissances, pour une durée de sept ans, le maître de la Bulgarie. Telle était du moins la perspective que le vote permettait d’entrevoir. Malheureusement, la coalition des politiciens ne désarmait pas et préparait, à travers des incidens tumultueux, l’avortement des patriotiques espoirs de ce prince, à qui n’a manqué pour être un souverain accompli qu’un peu plus d’habileté et d’énergie, qu’un peu plus de persévérance dans ses desseins. Pour les faire aboutir, il s’était entouré des agens de Russie,