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20 heures. — Les Boches d’en face sortent de leur tranchée. Ici, tout le monde est au créneau. J’ai fait distribuer à tous des grenades, car, à la distance où nous sommes, le fusil est impuissant.

Les voilà !

— En avant, les enfans ! Hardi !

S... coupe les ficelles et nous les expédions.

Les Boches nous répondent par des grenades à fusil, mais qui portent trop loin. Ceux qui sont sortis, surpris par notre accueil, regagnent Sarajevo en vitesse, — sauf ceux qui restent de place en place, parfois par groupes, étendus sur la plaine. De Sarajevo (la tranchée de Sarajevo, occupée par l’ennemi, est à 50 ou 60 mètres à peine de la redoute), on voit des ombres sortir précipitamment et se diriger vers l’arrière : sans doute la seconde vague qui se dérobe.

— Aux fusils, les enfans, feu de poursuite !

Ch... lance une fusée rouge ! Si nous avions un tir de 75 maintenant, ce serait parfait.

Tout à coup, des flammes fusent derrière nous, avec des torrens de fumée blanche et noire... Ce sont de véritables jets de flammes. Pas de doute ! Ils ont forcé à droite et nous lancent ici des liquides enflammés... Mais voilà que de l’incendie montent des flammes vertes et rouges. Je me rends compte : c’est mon dépôt de fusées qui flambe. A un pareil moment ! Heureusement que les Boches ont été soignés.

Les flammes montent et bouillonnent sans cesse, dans la nuit, au milieu des obus. A tout moment, une nouvelle fusée lance son jet de flammes. L’incendie gagne le poste de commandement d’où bientôt sortent deux langues de feu. Il nous faut d’abord sauver les grenades qui sont à proximité. Un sac de cartouches est resté dans le brasier, car on entend le crépitement. Le terrible est que les murs sont faits de sacs à terre et alimentent eux aussi le foyer. Et les obus, et les balles qui ne cessent de siffler !

Enfin ! Toutes les caisses de grenades sont déblayées. Le feu sur lequel tomba les pelletées de terre diminue d’intensité. Heureusement, les Boches ont été calmés par nos grenades. Il est vrai que maintenant il nous faut en aller chercher d’autres, si l’on veut résister à une autre attaque. On en a vidé près de vingt caisses.