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Blessé le 1er juin. Ai été ramassé par Allemands et emmené ici. Avons scrupuleusement exécuté ordre donné : « Ne pas reculer d’un pouce sous aucun prétexte. » C’est ainsi qu’isolés, tournés de toutes parts, nous avons succombé sous le nombre. Je suis tombé l’un des derniers, frappé en plein ventre par une balle tirée à dix mètres de distance. Le lieutenant Huret, le bras droit fracassé. Le sous-lieutenant Pasquier, blessé ; l’adjudant Farjou, la main droite broyée et la cuisse gauche traversée par une balle ; l’aspirant Tocatens, cinq éclats d’obus dans le corps ; le sergent Lecocq, tué d’une balle en plein front. Le reste de la compagnie à l’avenant. Cette énumération, plus qu’aucun commentaire, vous dira comment nous avons compris notre devoir et satisfait l’honneur.

Je vous signale la vaillante conduite du lieutenant Huret, de l’aspirant Tocatens et notamment de l’adjudant Farjou, sur la poitrine duquel la médaille militaire serait bien placée.


Au cours de cette journée du 1er juin, les coureurs, presque tous volontaires, assurèrent les liaisons avec un dévouement inlassable. L’un d’eux arrive au poste de commandement du bois Fumin, franchissant, — par quelle chance ! — un tir de barrage très serré.

— Tu aurais pu attendre quelques instans, lui dit paternellement le colonel.

Mais il montre l’enveloppe.

— Mon colonel, il y avait écrit : Urgent.

Deux autres sont envoyés du régiment au poste de la brigade. En route, l’un d’eux est tué par un 105 qui supprime avec lui le pli dont il était porteur. Son camarade retourne au poste du colonel, réclame une copie du pli et repart pour remplir sa mission.

Maîtres des deux retranchemens, les Allemands s’avancent dans le bois Fumin. Il leur faut maintenant forcer R1, la redoute la plus rapprochée du fort, et ils aborderont alors le fort par l’Ouest et même par le Sud. Notre surprise et sa hardiesse le lui livreront peut-être sans coup férir.

Cependant, le colonel du 101e, en bon chef d’orchestre, accorde ses dispositions de combat. Il place ses réserves en barrage dans le bois, cherche et trouve sa liaison au ravin des Fontaines et creuse la terre pour s’y mieux agripper. Toute la nuit suivante, il fera travailler sans relâche, profitant de l’indécision sur les lignes qui paralyse l’artillerie ennemie, pour se Couvrir et organiser son front entre R1 et le ravin.

Car la redoute R1 est assiégée dès le soir du 1er juin. Deux