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manqué de considérer le fort comme un point d’eau, providentiellement aménagé contre la soif si terrible à supporter sur ces pentes arides et battues. Les commandans du fort ont eu sans cesse à lutter contre cette tendance : pendant le mois de mai, ils ont réussi néanmoins à créer une réserve. Cette réserve a été apportée par des hommes de corvée porteurs de bidons de deux litres : corvées héroïques et parfois tragiquement interrompues. Au 29 mai, elle s’élevait à peine à deux ou trois mille litres. La garnison normale, dès le début rationnée, aurait trouvé là des ressources pour une durée de dix ou douze jours, et même davantage. Elle sera débordée par les arrivans dès le premier jour. L’eau ne tardera pas à manquer et la soif sera la plus cruelle souffrance de la défense de Vaux.

Dès le 31 mai, le bombardement sur nos premières lignes de la Caillette et sur le ravin du Bazil, sur le bois de Vaux-Chapitre, le fort et toute la région de Vaux, sur Damloup et. la Laufée, dépasse dans de telles proportions le pilonnage accoutumé, que l’on s’attend à une offensive. Sur quel point se déclenchera-t-elle ? Sur l’ensemble de ce front, ou sur un étroit secteur ? Fidèle à sa tactique qui est d’avancer successivement l’une et l’autre épaule, l’ennemi n’attaque qu’à l’Ouest du fort. Il limitera ses objectifs au saillant d’Hardaumont que nous tenons encore, à la lisière du bois de la Caillette, au ravin du Bazil où passe la voie ferrée, à l’étang et à la digue, enfin au bois Fumin, partie du bois de Vaux-Chapitre qui est à l’Est du ravin des Fontaines. S’il parvient au bois Fumin, il emportera aisément la série des retranchemens R3, R2 et R1 qui défendent les pentes au-dessus de l’étang de Vaux jusque près du fort. S’il s’empare des retranchemens, le fort débordé tombera à son tour. Peut-être une journée lui suffira-t-elle pour opérer ce mouvement tournant qui lui livrera le fameux fort cuirassé dont la fausse conquête avait, le 9 mars, fait tressaillir d’orgueil l’Allemagne. En trois mois, ce malheureux fort a été réduit en poudre. N’importe : son nom est retentissant ; il ne doit y avoir à le prendre aucune difficulté : quels hommes s’enfermeraient dans un tel abri ? Pour en finir, l’ennemi lance, entre le bois de la Caillette et le fort, la Ire division (moins le 3e grenadiers) ; devant le fort, la Le division ; et, entre le fort et Damloup, une division combinée comprenant le 3e grenadiers de la Ire division, les 126e et 105e régimens du XVe corps. A l’importance des effectifs engagés,