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pas utilisable. Les deux observatoires cuirassés ont résisté, mais on ne peut y introduire des mitrailleuses. Le coffre simple du Sud-Ouest est en assez bon état : sa communication, qui avait été bouchée, a été rétablie : il n’a pas d’ouverture extérieure. La caserne enfin est fissurée, mais tient bon. Une garnison peut s’y abriter.

Le double réseau de fils de fer qui ceinturait le fort est en morceaux, ou enfoui dans les trous d’obus. On ne saurait compter sur la résistance des contrescarpes et des escarpes et du fossé qui les sépare ; les murs ébréchés ont coulé, et le fossé, à demi comblé, n’est plus un obstacle.

Tel est ce tronçon de fort, ce moignon de défense que l’ennemi aborde. Le 9 mars, quand il l’assiégea, il rencontrait encore devant lui du fil de fer, des remparts, des parapets, des abris de mitrailleuses. Maintenant, s’il parvient à l’atteindre, — et il le touche presque, il n’en est pas à deux cents mètres, — il peut monter dessus sans acrobatie, et, pour entrer dedans, il trouve, béantes de son côté, les deux issues des coffres Nord. Maintenant il n’y a plus rien, en dehors des tranchées bouleversées qui sont en avant et sur les flancs, pour s’opposer à son envahissement. Plus rien que des hommes qui attendent la tempête, comme des marins résolus à ne pas abandonner leur vaisseau désemparé !

La garnison a pour chef le commandant Raynal, du 96e régiment d’infanterie, qui, blessé, n’a pas voulu attendre sa guérison pour reprendre du service. Né à Bordeaux, où son père était bottier, le 7 mars 1867, d’une famille originaire de Montauban, le futur défenseur de Vaux fait ses classes au lycée d’Angoulême, puis s’engage au 123e régiment le 15 mars 1885. Cinq ans plus tard, il entre à l’école de Saint-Maixent, en sort sous-lieutenant le 1er avril 1891 avec le n° 1 sur 328. Capitaine lorsque la guerre éclate, il est nommé chef de bataillon le 24 août 1914. Comment il a commandé son bataillon, une citation à l’ordre de l’armée le montre : « Commandant l’avant-garde de son régiment le 14 septembre 1914 et ayant pris le contact dès le matin à faible distance de l’ennemi fortement retranché, a immédiatement établi son bataillon sur les points d’appui et l’y a maintenu énergiquement sous le feu de l’infanterie, des mitrailleuses et de l’artillerie lourde allemandes. Blessé sérieusement dans l’après-midi, a conservé le commandement de son bataillon, se