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A travers l’air lourd, irrespirable de poussière et de fumée, ce ne sont que glissemens invisibles, sifflemens, rugissemens, craquemens effroyables d’où jaillissent des flammes, et cela inlassablement. Est-ce le crépuscule des Dieux ? Le Götterdämmerung qui hanta l’imagination grandiose de leur géant barbare ? La terre s’entr’ouvrant et l’effondrement dans un abime de feu de ce monde sauvage dont la gueule monstrueuse a failli dévorer l’humanité ? — Non. — Ce n’est qu’un épisode de cette guerre : la contre-attaque allemande sur R1. Une ligne de communiqué, peut-être.

8 heures. — Les pentes de Vaux paraissent plus sinistres encore qu’auparavant. Le long de la tranchée allemande disputée, des corps raidis, en capote bleue, des casques, des traînées noires. Le sol par endroits semble brûlé. Un cadavre a été dépouillé de sa capote.

On voit ce dos nu au soleil... »


Chaque épisode de la bataille se relie à l’ensemble des opérations. L’attaque de Douaumont aura sa répercussion immédiate. La bataille même sur le front de Verdun est en fonction de la bataille unique qui se livre sur tous les fronts. Ainsi l’ilot assiégé de Vaux va-t-il fixer l’attention du monde entier.

Nos troupes n’ont pu se maintenir dans le fort de Douaumont, dont elles occupaient la superstructure et une partie des casemates. Le 24 mai, une contre-offensive allemande a réussi à envelopper et reprendre l’ouvrage. Dès lors, l’ennemi ne cesse plus d’attaquer. Il semble que l’audacieuse entreprise du 22 mai ait excité sa fureur comme une bande de toile rouge un taureau. Il a failli perdre Douaumont : un tel affront le détermine à se ruer contre Verdun avec une violence accrue. Il lance à l’assaut tout un corps nouveau, le Ier corps bavarois. Les 25, 26 et 27 mai, il fonce sur la ferme de Thiaumont, dans la direction de Froideterre. A partir du 31 mai, il oblique sur sa gauche et, se précipitant sur le fort de Vaux, il ne consentira plus à se laisser détourner de la proie qu’il convoite et qu’il croyait déjà tenir trois mois auparavant. Son plan sera de déborder le fort à l’Ouest par le ravin du Bazil et le ravin des Fontaines, et à l’Est par Damloup.

A la date du 31 mai, notre ligne remonte encore au delà du