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IV. — DE MARS A MAI

Qui dira, jour après jour, l’épopée du fort de Vaux ? Périodiquement relevées, les troupes se succèdent avec la même endurance dans le même enfer. Saura-t-on jamais, dans cette guerre aux épisodes innombrables, tous les traits dignes d’être fixés ? Que de morts il faudrait réveiller et interroger ! Une foule anonyme a bâti, comme une cathédrale, les murs vivans de Verdun. Un corps, un nom qu’on cite feraient tort à ceux qui ne sont pas cités, s’ils n’étaient ici mentionnés parce qu’il faut revêtir de chair et d’os les exemples. Et d’avance, n’ayant pu tout savoir ni tout rassembler, je m’excuse de tant d’omissions involontaires.

Depuis qu’il a pris Douaumont dont il agite comme une cloche les syllabes sonores dans ses communiqués, l’ennemi, pour s’emparer de la ville, cherche à aborder la grande ligne de défense : Froideterre, Fleury, Souville. Vaux, fort et village, en est un des soutiens. Dès le 9 mars, il battait les pentes du fort et les abords du village. Il continue de les heurter de front et, dans le même temps, il essaie son habituelle manœuvre d’enveloppement, en débouchant d’une part dans le bois de la Caillette et, d’autre part, en débordant le village de Damloup.

Au Sud-Est du fort, Damloup est comme une pointe à l’extrémité d’une jetée entre deux ravins, le fond de la Horgne qui la sépare du fort, et le fond de la Gayette qui descend du bois de la Laufée. Au Nord-Ouest, le village de Vaux, dont la partie Est a été perdue, est bâti en bordure de la route de Dieppe, dans le ravin du Bazil, dont il commande l’entrée. A cent cinquante ou deux cents mètres en remontant le ravin, on trouve une digue, puis un petit lac : l’étang de Vaux. C’est là, je l’ai dit, qu’aboutit le ravin des Fontaines, appelé par nos hommes « le ravin de la mort, » qui traverse le bois de Vaux-Chapitre. L’ennemi assiège le village, mais il tente aussi de descendre dans le ravin du Bazil en progressant dans le bois de la Caillette. Dans cette région tourmentée, coupée de futaies, de taillis, d’étroits vallons, de gorges, se livrera une lutte obscure et opiniâtre qui se prolongera durant des semaines et même des mois.

L’ennemi, à la fin de mars, a ramené du front de la Woëvre