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commandant d’une compagnie de chasseurs qui fut blessé au bois des Caures a témoigné : « La violence du feu avait été telle qu’en sortant de nos abris, nous ne reconnaissions plus le paysage auquel nous étions habitués depuis quatre mois. Il n’y avait presque plus d’arbres debout ; la circulation était très difficile à cause des trous d’obus qui avaient bouleversé le sol. Les défenses accessoires étaient fort endommagées, mais il y avait un tel enchevêtrement de fils de fer et de branches cassées que le tout constituait encore un obstacle sérieux pour les assaillans. Les boyaux de communication n’existaient plus. Les tranchées avaient été fort touchées, mais étaient encore utilisables : elles furent aussitôt garnies. »

Elles furent aussitôt garnies : constatation qui place la volonté humaine au-dessus de toutes lias puissances physiques déchaînées. Le haut commandement en a tiré cette formule : « Ce que l’artillerie réalise, c’est la diminution des moyens matériels de la défense et son usure morale, non pas sa destruction. »


Au-dessus du champ de bataille, dans les plaines de l’air les ondulations électriques projetées au loin vont s’inscrire en signes sur les récepteurs et portent aux quartiers généraux, aux nations, au monde entier, par la télégraphie sans fil, les nouvelles de la guerre. Elles se croisent comme des caravanes d’oiseaux migrateurs et se livrent de mystérieux combats.

L’Allemagne, le 26 février, lâche un premier corbeau, porteur de ce message :

« A l’Est de la Meuse, devant Sa Majesté l’Empereur et Roi qui était sur le front, nous avons obtenu des succès importans. Nos vaillantes troupes ont enlevé les hauteurs au Sud-Ouest de Louvemont, le village de Louvemont et la position fortifiée qui est plus à l’Est. Dans une vigoureuse poussée en avant, des régimens du Brandebourg sont arrivés jusqu’au village et au fort cuirassé de Douaumont, qu’ils ont enlevés d’assaut. Dans la Woëvre, la résistance ennemie a cédé sur tout le front dans la région de Marchéville (au Sud de la route nationale Paris-Metz). Nos troupes suivent l’ennemi de près dans sa retraite. »

Il n’y a pas eu d’assaut donné au fort de Douaumont, enlevé par surprise. Contre le village de Douaumont, tous les assauts allemands ont échoué. La Woëvre a été évacuée par manœuvre