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et les bois mamelonnés de la Laufée et qui est séparé d’eux par d’étroits vallons, il semble sortir de l’embouchure d’un fleuve bordé de collines pour venir fendre de sa proue la plaine de la Woëvre. La mer de Woëvre bat ses pentes Nord-Est qui sont d’abord abruptes et font un angle mort, puis s’inclinent en pentes douces jusqu’au fossé que flanquent ses coffres.

Deux villages bâtis en longueur dans les fonds, Vaux-devant-Damloup au Nord, et Damloup au Sud, l’escortent comme des bateaux de commerce un haut navire de guerre.

Vaux-devant-Damloup commande l’entrée d’un vallon : c’est le ravin du Bazil qui longe un peu plus loin un étang précédé d’une digue, l’étang de Vaux. La route (de Verdun à Vaux) et la voie ferrée (de Fleury à Vaux) lui empruntent le passage. Le ravin du Bazil reçoit comme des affluens, du plateau qui porte le fort, le ravin des Fontaines qui coupe le bois de Vaux-Chapitre dans la direction de Souville, et, du massif de Douaumont, les ravins de la Caillette et de la Fausse-Côte qui traversent les bois de la Caillette et d’Hardaumont. Ce sont les tranchées naturelles, les voies d’accès qui, d’un mouvement de terrain, conduisent à un autre. Un sol ainsi boisé et accidenté est favorable à une guerre de surprises, de traquenards, d’embuscades, de coups de main, d’infiltration lente et perfide. Il se prête au flux et au reflux des combats à la grenade. Bois de la Caillette, bois d’Hardaumont, ravins de la Caillette, de la Fausse-Côte, du Bazil, retraites obscures, à demi sauvages, où le voyageur, l’été, aimait à s’égarer, mais aujourd’hui tirées de l’ombre et toutes resplendissantes d’une gloire sanglante : à leur sort est lié le destin du fort dont elles sont les ouvrages avancés.


II. — LE VOL DES CORBEAUX

Le 21 février 1916, à sept heures du matin, un obus tombe sur Verdun, proche la cathédrale. C’est le signal, et la plus grande bataille de la plus grande guerre commence.

Les observateurs sur avions ou ballons qui ont vu s’allumer le volcan ont déclaré qu’ils ne pouvaient pointer sur leur carte toutes les batteries en action. Les bois de Consenvoye, de Moirey, d’Hingry, de Grémilly, les forêts de Spincourt et de Mangiennes, les côtes de Romagne et de Mormont soufflaient de la flamme comme des milliers de dragons infernaux. Le