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« L’alliance conclue entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie n’avait, selon la déclaration même des gouvernemens, qu’un caractère essentiellement conservateur et défensif. Son objet principal était de garantir les pays alliés contre toute attaque du dehors et de consolider l’état de choses créé par les traités antérieurs. C’est dans le désir d’accorder sa politique à ces tendances que la Roumanie se joignit à cette alliance... Au printemps de 1915, l’Italie était en guerre avec l’Autriche-Hongrie, et la Triple Alliance n’existait plus. Les raisons qui avaient déterminé l’adjonction de la Roumanie à ce système politique disparaissaient en même temps. » Entre l’Italie et la Roumanie, il y avait une solidarité tacite et latente ; comme leurs positions étaient identiques, leurs résolutions étaient liées. La déclaration de guerre de la Roumanie à l’Autriche-Hongrie dépendait, était fonction de la déclaration de guerre de l’Italie à l’Autriche-Hongrie, et leur intervention armée, à toutes les deux, était la suite nécessaire, inévitable, répétons-le, de leur déclaration de neutralité. Les deux actes se commandaient, les deux mouvemens se combinaient, comme le premier pas et le second pas. Si l’on peut ne pas faire le premier, il est toujours très difficile et souvent impossible, lorsqu’on l’a fait, de ne pas faire le second, parce qu’on resterait sur un pied, posture éminemment incommode et instable. Dès lors que les résolutions, comme les prévisions mêmes, étaient liées, dictées, imposées par la force des choses, les hommes n’y pouvaient plus rien, ou n’y pouvaient que fort peu. « Vous auriez dû, disait-on hier au comte Tisza, tout faire pour changer le ministère roumain ! » Suprême erreur. Le ministère roumain eût-il été changé, M. Bratiano renvoyé, M. Carp et M. Marghiloman eussent-ils été appelés, MM. Filipesco et Take Jonesco exilés ou emprisonnés, que la résolution de la Roumanie, non plus que sa position, n’eût été changée, que la force des choses n’eût pas été brisée, ni l’inévitable, évité. De même en Italie : M. Giolitti en personne, une fois qu’il aurait eu dénoncé ou dénoué la Triple Alliance, rien qu’en déclarant la neutralité, n’aurait pas pu ne pas faire ce qu’ont fait M. Salandra et M. Sonnino ; M. Boselli ne pouvait pas, M. Salandra lui-même n’eût pas pu ne pas achever ce qu’avait commencé M. Salandra. Volenteni fala ducunt, nolentem trahunt. Les hommes peuvent bien conduire les petits évènemens, mais les grands les conduisent. Néanmoins, ils y ont leur part : leur habileté, ou leur chance, est alors de ne pas se mettre en travers des voies du Destin.

La déclaration de guerre de la Roumanie à l’Autriche-Hongrie a porté sans retard toutes ses conséquences, que nous avions prédites