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autant dire la Chancellerie, — dans son numéro du 27 août, parlait sans circonlocution d’un « échec coûteux et complet » à inscrire à notre passif. Du même sentiment quant au fond, la Gazette de Cologne se montrait, dans la forme, plus aigre et plus prolixe : « C’est, imprimait-elle, le destin immuable de l’Entente de ne pouvoir parvenir ni à s’emparer de l’initiative des opérations, ni à percer nos lignes. Elle a mis plusieurs mois à préparer des offensives qui, à peine déclenchées, ont été aussitôt arrêtées. Nos adversaires (Anglais et Français) se trouvent de nouveau réduits à la défensive... Ils ont simplement augmenté le chiffre de leurs pertes. La Russie et l’Angleterre ont sacrifié des armées entières. La France est arrivée à la limite de l’épuisement. Si bien, concluait avec certitude le journal rhénan, que l’intervention bruyamment annoncée d’un nouvel allié dans le camp de l’Entente ne s’est pas produite. « Cette prophétie est datée du 24 août ; trois jours après, la décision de la Roumanie était signifiée à l’Autriche-Hongrie et au monde : l’intervention qui ne s’était pas produite se produisait, et, six jours après, les Russes d’une part, les Anglo-Français de l’autre, recommençaient à marteler le front oriental et le front occidental.

Mais, au surplus, la presse n’a pas été toute seule, en Allemagne, à ne point vouloir entendre et comprendre. « Nous avons passé la phase critique, » disait au correspondant spécial du New-York Times, le « commandant en chef des armées allemandes sur la Somme, » à peu près dans le même moment, vers le 25 août, avant qu’eût repris l’offensive des Alliés. Généreusement il consentait à nous accorder son estime : « J’admire l’opiniâtreté, l’endurance, la bravoure de l’infanterie française qui est excellente ; l’artillerie française est parfaite. » Mais à cette admiration se mêlait autant de commisération. Toute cette vaillance se dépensait en pure perte, allait se buter contre un mur ; ni directement, ni indirectement, elle ne pouvait nous conduire à rien. D’autres affectaient de nous plaindre : pauvre France ! que resterait-il de ses villes, de ses campagnes, et du peuple qui les habitait ? Car ces pharisiens avaient la naïve audace de nous reprocher de faire trop abondamment couler non seulement leur sang, mais le nôtre. Et s’il nous plaît, à nous, de les battre ? Ce qui se passe et sur la Somme et à Verdun, autour de Fleury et de Thiaumont, comme ce que Verdun et la Somme ont rendu possible, est la preuve que notre entêtement ne nous réussit pas si mal. Les neutres en jugent plus sainement que les Allemands les plus qualifiés. L’un d’eux écrit : « Il se peut que les Alliés disposent (ainsi qu’on le prétend,