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de Waterloo ; nous resterons ici jusqu’au dernier, » permet de sauver le drapeau du 32e, dont toute la garde est tombée, à l’exception d’un sapeur. D’ailleurs, si nous ployons sur notre centre, l’armée Franchet d’Espérey, à notre gauche, va de l’avant presque sur toute la ligne : Maud’huy, avec le 18e corps, a forcé le passage du Petit-Morin et s’est emparé de Marchais-en-Brie ; Hache, avec le 3e corps, déblaie la route de Montmirail où il entrera le 9, à onze heures du matin, et dirige ainsi une menace de flanc sur les corps ennemis qui continuent de marquer le pas dans la région de Charleville-Soigny-Gorfélix. Cette menace est encore aggravée à la fin de la journée par les gains du 10e corps vers Boissy. Flux et reflux, c’est toute la bataille, et il n’y a pas lieu, malgré les apparences, de désespérer. Certains signes, d’ailleurs, révèlent chez l’ennemi un désarroi au moins égal au nôtre. « Une phrase d’un ordre pour cette journée du 8, trouvé sur un officier blessé, tend à montrer, dit M. Babin, que l’état-major ennemi n’a pas grande confiance dans la possibilité pour lui d’avancer ; elle prescrit que les trains régimentaires auront leur timon tourné vers le Nord. »

Est-ce déjà « l’effet de succion » ou de « ventouse » dont on a tant parlé, produit par l’attaque brusquée de Maunoury sur le flanc de von Klück, qui, pour parer à un enveloppement, s’est hâté de resserrer sa ligne imprudemment distendue ? Quoi qu’il en soit, dès le 8, le grand quartier général allemand hésite de toute évidence, ne sait plus s’il doit poursuivre ou arrêter l’ofTensive. Une journée presque entière se passera encore pour lui en tergiversations et, au cours de cette journée du 9, il tentera un effort suprême — qui n’était peut-être, après tout, qu’une manœuvre de la dernière heure pour nous tromper sur ses intentions.

V. — LA JOURNÉE DU 9

Le jour se leva dans un ciel où rougeoyaient encore des incendies. Il avait plu la veille, mais légèrement. Le ciel restait couvert, mais il ne devait pleuvoir à nouveau que vers quatre heures de l’après-midi, un peu avant que sonnât la retraite allemande. Et il est vrai qu’il continua de pleuviner toute la nuit. Encore n’était-ce point là cette pluie diluvienne qui,