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Serbes de Bosnie et d’Herzégovine, du Monténégro et de la Serbie actuelle. De ce grand Etat ferait partie nécessairement le rivage oriental de l’Adriatique, avec l’archipel dalmate tout entier. Dès le mois d’octobre 1914, un journal de Belgrade auquel l’officieuse Samouprava donnait, en le reproduisant, une valeur toute particulière, écrivait : « La Dalmatie n’est pas italienne ; elle est serbo-croate géologiquement, historiquement et ethnologiquement. Si l’Italie veut partager fraternellement avec la Serbie la mer Adriatique, sur la rive orientale de laquelle habitent 700 000 Slaves contre 18 000 Italiens, la Serbie en sera heureuse et ne manquera pas de cultiver ce que l’antique civilisation italienne aura laissé en héritage. Mais elle ne consentira pas à ce que ce pays slave passe de la domination autrichienne à une autre domination, celle de l’Italie. » Et dans un manifeste yougo-slave récent, on lit que « la Dalmatie est le grand lien territorial unissant les pays yougo-slaves au point de vue géographique et économique. »

Ainsi, aux ambitions italiennes s’opposent nettement les revendications slaves et il semble assez malaisé de concilier les deux thèses contraires. D’une part, on invoque des motifs stratégiques et des droits historiques ; de l’autre, on met en avant la juste satisfaction des aspirations nationales. Les deux partis s’accordent pour éliminer l’Autriche de l’Adriatique ; ils se disputent avec une égale âpreté, dès qu’il s’agit de savoir à qui sera dévolu son héritage. Et entre ces prétentions rivales, il est difficile de trouver un terrain d’entente satisfaisant.


IV

Faut-il parler d’autres ambitions encore, qui visent à occuper une partie plus ou moins étendue du rivage oriental de l’Adriatique ? La Grèce, qui a profité de la guerre européenne et de l’anarchie albanaise pour occuper, en octobre 1914, sans qu’aucune des grandes puissances ait protesté, l’Epire septentrionale, a rêvé parfois d’ajouter à son territoire le Sud de l’Albanie, toute cette vaste région peuplée en majorité de Grecs, où la langue et la civilisation helléniques ont des racines profondes, et qui va jusqu’à Bérat et même jusqu’à Valona. Elle se souvient qu’avant la guerre balkanique de 1912 un arrangement conclu avec la Serbie portait sa frontière jusqu’au cours du