sur les murailles des citadelles, il rappelle le glorieux souvenir de la ville qui se proclamait à juste titre la reine de l’Adriatique.
De bonne heure, Venise avait compris que la Dalmatie était la pièce la plus nécessaire de son empire et que sa possession était la condition indispensable de la domination maritime de la République. Sur la route de l’Orient, les ports du littoral adriatique étaient autant d’escales précieuses et sûres, autant d’étapes de la voie triomphale qui menait à la richesse et à la gloire. Aussi, dès l’aube du XIe siècle, Venise prit pied sur ces rivages, et tenacement, énergiquement, elle les défendit contre tous les compétiteurs, contre les Croates, contre les Hongrois, contre les Turcs. Progressivement elle occupa toute la côte, toutes les îles, Zara et Cattaro, Durazzo et Valona ; et, aussi longtemps que dura la République, jalousement elle maintint la Dalmatie en sa puissance. L’Adriatique, aux yeux de Venise, n’était pas autre chose que « le golfe » vénitien ; et chaque année, on le sait, le jour de l’Ascension, le doge célébrait en grande pompe le mariage symbolique de la cité avec la mer et, du haut du Bucentaure, solennellement il jetait dans les flots son anneau d’or, « en signe de véritable et perpétuelle domination. »
Sans doute, durant ces siècles où l’Adriatique fut une mer toute vénitienne, la République exploita la Dalmatie plus qu’elle ne l’administra. Elle y recruta des soldats admirables, ces Esclavons dont le souvenir vit aujourd’hui encore dans la ville des lagunes ; elle y trouva des bois de construction pour ses flottes, des abris sûrs pour ses navires. Jamais elle ne s’inquiéta de développer la prospérité matérielle du pays. Egoïstement, elle gouverna la Dalmatie pour elle-même, soucieuse uniquement que la province fût tranquille et que l’impôt rentrât exactement. Mais elle n’en a pas moins, sur tout ce littoral, mis son empreinte toute-puissante ; elle y a introduit et fait régner la langue et la culture italiennes ; si bien qu’aujourd’hui encore le voyageur qui passe, oubliant tout ce que coûta au pays le gouvernement de la Seigneurie, n’admire que l’œuvre de puissance que la politique vénitienne y accomplit.
De ce passé glorieux l’Italie moderne n’a point perdu la mémoire : elle considère qu’il y a là un héritage qu’elle peut et doit légitimement réclamer. De même que pour les Vénitiens d’autrefois l’Adriatique était « le golfe, » ainsi pour les Italiens