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— des entreprises que, bien des fois, au cours du Moyen Age, les maîtres de l’Italie méridionale, les rois normands ou angevins des Deux-Siciles poursuivirent au delà du canal d’Otrante, aux rivages d’Épire ou d’Albanie. Une influence plus durable a fait, durant des siècles, de toute cette région une terre italienne : à chaque pas que l’on fait sur le littoral oriental de l’Adriatique, partout on retrouve l’empreinte puissante dont Venise a marqué ce pays.

Avec ses portes que couronne la fière image du lion de Saint-Marc, avec sa place des Seigneurs où la vieille tour de l’horloge fait face à la loggia bâtie par Sanmicheli, avec sa place des Cinque pozzi qui semble un campo vénitien, Zara évoque tout naturellement le souvenir de la ville des lagunes. Avec ses vieux remparts que renforce la masse puissante du château Camerlengo, ses portes que décore le lion de Venise, sa grande place, toute vénitienne d’aspect, que bordent des palais gothiques et une loggia aux colonnes de granit où trône, colossal, le lion dominateur et glorieux, avec sa grave cathédrale flanquée d’un haut campanile, Trau apparaît comme une petite Venise. Avec ses vieux cloîtres gothiques, son palais des recteurs, au portique imposant, à la cour élégante, avec ses fontaines compliquées et charmantes, sa place des Seigneurs et sa longue avenue du Stradone toute bordée d’habitations patriciennes, Raguse, dans son corselet de murailles et de tours, rappelle, à peine moins séduisante, la voisine puissante sur qui elle se modela. A Sebenico, le dôme gothique s’achève par les lignes courbes et la coupole chères à la Renaissance vénitienne ; de Pola à Cattaro, et dans toutes les îles du littoral, à Arbe, à Lésina, à Curzola, des palais charmans aux fenêtres découpées en dentelle, des loggias majestueuses, de vieux remparts couronnés de tours rappellent les splendeurs de l’architecture de Venise. Et partout, à Knin comme à Klissa, au-dessus de la baie où dort Sebenico comme au bord du golfe délicieux où Trau sommeille, à l’entrée des bouches de Cattaro, et depuis Budua et Antivari jusqu’à Durazzo et à Santi-Quaranta, partout ce sont les ruines de citadelles puissantes, barrant les défilés, commandant les rades, par où jadis Venise assura sa puissance tout le long du littoral adriatique. Le lion de Saint-Marc, le fier lion dont on retrouve l’image dans toutes les mers du Levant, a mis ici aussi sa griffe dominatrice, et à chaque pas, au-dessus des portes des cités ou