Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait mis sur ces régions, craquait, s’écaillait, s’effaçait. Insensiblement, les municipalités italiennes disparaissaient des villes ; le serbo-croate, exclusivement parlé dans les campagnes, devenait, par la grâce de l’Autriche, une des langues officielles de la province. Politique à courtes vues peut-être, en ce sens qu’elle élevait et fortifiait des rivaux redoutables pour l’avenir, mais dont l’effet immédiat et souhaité était d’abaisser l’influence italienne et de tenir en échec dans l’Adriatique l’adversaire qui paraissait le plus dangereux.

Au delà du territoire qu’elle possédait, l’Autriche s’efforçait d’assurer semblablement son influence tout le long du littoral adriatique. Sa diplomatie intriguait en Albanie, où les tribus catholiques du Nord entraient progressivement dans la clientèle autrichienne, grâce à une propagande fort habilement organisée. Les écoles confessionnelles, multipliées par les soins de l’Autriche, contribuaient à entretenir cette influence et accroissaient le prestige de la monarchie. L’annexion de la Bosnie-Herzégovine, en 1908, fortifiait d’autre part la prépondérance autrichienne dans toute la région adriatique. La Serbie se trouvait par là, au moins en apparence, écartée définitivement de ces rivages auxquels aspirait son ambition. Le Monténégro, faible et isolé, était à la merci de sa redoutable voisine. De plus en plus, en ces dernières années, l’Autriche apparaissait comme la puissance dominante sur tout le littoral oriental de l’Adriatique. :

C’est qu’aussi bien, pour les deux empires de l’Europe centrale, l’Adriatique prenait une importance politique et économique chaque jour grandissante. Elle est l’un des chemins de cette grande et ambitieuse politique qui, depuis plus d’un quart de siècle, emporte le rêve germanique vers le monde oriental, vers les terres ensoleillées et radieuses que baigne la Méditerranée. Trieste et Fiume sont l’aboutissement naturel des grandes voies commerciales qui partent de Vienne, de Budapest, de Hambourg. Pour que nul obstacle n’interceptât à son débouché ce grand courant économique, il était indispensable que le couloir adriatique ne fût dominé par nulle autre puissance que l’Autriche, alliée fidèle de l’Allemagne, et qui, d’accord avec elle, travaille au mouvement d’expansion germanique vers les mers méridionales. Et c’est pourquoi l’Autriche adressé tout son effort en face de l’influence italienne ; c’est pour cela