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comme dépaysée dans le monde méditerranéen, l’Autriche s’y contenta d’abord d’une place assez secondaire. On sait le mot de cet empereur d’Autriche qui, visitant la Dalmatie au lendemain de 1815, s’écriait avec un regret comique : « Quel dommage que ces Français ne soient pas restés quelques années de plus ! Ils ne nous auraient plus rien laissé à faire, » L’Autriche se préoccupa d’abord médiocrement de ce peu même qui restait à faire. Ses ambitions politiques s’orientaient alors vers l’Allemagne ; elle ne s’inquiéta guère de ces provinces lointaines et de l’influence que leur possesseur pouvait acquérir dans la Méditerranée. Puis, progressivement, elle prit conscience de leur importance, surtout à partir du jour où, en 1878, l’occupation de la Bosnie-Herzégovine, faisant de la monarchie une puissance balkanique, ouvrit à ses ambitions et à ses rêves de vastes perspectives vers l’Orient. La maîtrise de l’Adriatique était un des élémens de cette grande politique orientale : l’Autriche, surtout en ces dernières années, n’épargna rien pour y assurer sa prépondérance.

Depuis assez longtemps déjà, elle avait, à la pointe de l’Istrie, établi à Pola un port de guerre et un important arsenal maritime, et elle entretenait dans les eaux de l’Adriatique une flotte, dont l’Italie avait en 1866 cruellement senti la supériorité dans les eaux de Lissa. En ces quinze dernières années, l’Autriche fit tout le nécessaire pour maintenir et accroître cette supériorité navale. Elle créa à Sebenico, à Cattaro, des bases maritimes fortement organisées et redoutables ; elle prépara dans les îles du littoral dalmate des installations militaires importantes ; pour augmenter la puissance de sa flotte, elle poussa activement ses constructions. Au mois d’août 1914, la marine autrichienne ne comptait pas moins de 85 unités, et le programme naval, présenté en 1913 aux Délégations, annonçait l’intention de doubler, en l’espace de peu d’années, cette force déjà plus que respectable. Tout cela se faisait d’ailleurs à petit bruit, avec une activité discrète et persistante, avec un soin attentif aussi et caractéristique de dépister les curiosités, dont j’ai recueilli, il y a peu d’années, quelques témoignages assez significatifs.

Au mois de septembre 1911, je voyageais sur le rivage oriental de l’Adriatique. Je n’y venais point pour la première fois, et toujours j’avais vu la bonne grâce courtoise de l’administration