Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quarnero jusqu’aux abords de Cattaro, comme un rideau et une protection. Des ports excellens, faciles à défendre, s’échelonnent tout le long du littoral. Sans parler de Trieste et de Fiume, qui sont essentiellement des ports de commerce, c’est, à la pointe méridionale de l’Istrie, au fond d’une baie admirable dont des collines toutes hérissées de forts commandent l’entrée étroite, Pola, le grand arsenal de la marine autrichienne. Plus au Sud, c’est Sebenico, dont le port vaste et sûr se dissimule derrière des passes compliquées, défilé sinueux ouvert entre des falaises abruptes, et que la forteresse puissante de San Nicolo barre et défend du côté de la haute mer. Plus loin, c’est Cattaro, avec les replis de son vaste golfe formant, entre les montagnes à pic, comme trois lacs abrités et paisibles, que relient l’un à l’autre des passages si resserrés qu’à peine un navire semble pouvoir y trouver sa route. Et c’est enfin, sur le canal d’Otrante, la merveilleuse rade de Valona, l’un des ports les plus vastes et les plus sûrs qu’offre la Méditerranée.

Par là, celui qui détient le rivage oriental de l’Adriatique s’assure, pour la maîtrise de cette mer, un incontestable avantage stratégique. Sur l’étroit couloir qui s’en va de Venise au canal d’Otrante, Pola, Sebenico, Cattaro, Valona sont comme autant d’yeux ouverts, à la surveillance desquels rien ne peut échapper. De ces sûres bases d’opérations, qui lui fournissent des abris inexpugnables, de cet archipel dont les étroits passages semblent comme prédestinés à la guerre de surprise et l’embuscade, une marine entreprenante et hardie peut, presque à toute heure, fondre à l’improviste sur l’adversaire le plus vigilant. Pola domine tout le Nord de l’Adriatique et menace Venise. Cattaro, surtout depuis que son fiord profond n’est plus sous la menace des canons du Lovcen, apparaît à l’Autriche comme le Gibraltar de l’Adriatique. Et Valona enfin, que l’Italie occupe et que l’Autriche convoite, est davantage encore la véritable clef de cette mer. Placée à mi-chemin entre Trieste et la côte d’Afrique, entre Gibraltar et Port-Saïd, elle commande toutes les grandes routes méditerranéennes ; mais surtout elle ouvre ou ferme à son gré les communications entre l’Adriatique et le reste de la Méditerranée.

On voit pourquoi, dans la grande guerre actuelle, ce littoral oriental est l’enjeu nécessaire de la partie qui se joue pour la maîtrise de l’Adriatique, et on comprend comment, du contraste