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ou paysans, nos voisins sont des gens très sains, à peu près indemnes d’alcoolisme. Ne voilà-t-il pas des élémens de premier ordre, pour combler les vides d’une population déjà appauvrie et de plus en plus décimée par la guerre ? Des croisemens seraient excellens pour les uns comme pour les autres. J’en reviens à mon exemple de l’Algérie. Quiconque a traversé ce pays, et l’a su voir, est étonné des ressources d’activité qu’y déploient des immigrans débarqués, la veille, des provinces les plus somnolentes de la France, de l’Espagne ou de l’Italie. Par la fusion de tous ces Latins, la race s’est refaite. Avant la guerre, on a beaucoup parlé, chez nous, de renaissance provinciale. Il serait très utile et très urgent, en effet, de rendre la vie à toutes les terres qui meurent, à toutes les petites villes qui agonisent. Mais pour avoir des provinciaux, il faudrait d’abord avoir des hommes. Et c’est pourquoi la première tâche à signaler et à exalter, — l’œuvre vitale, — est plus que jamais la réfection de la race.

Sans doute, certains ont lancé, vers le même temps, l’appel au Barbare, mais en esthètes qui se complaisaient secrètement à des spectacles de décadence. Ils ne faisaient que paraphraser les vers trop fameux de Verlaine, et, eux aussi, ils rimaient des acrostiches indolens.


En regardant passer les grands Barbares blancs.


Ceux qui prenaient au sérieux ces déclamations s’exagéraient d’ailleurs le rôle régénérateur des barbaries. Ils se laissaient abuser par les prédictions pessimistes de Renan, quand il écrivait : « Si la lèpre de l’égoïsme et de l’anarchie faisait périr nos États occidentaux, la barbarie retrouverait sa fonction, qui est de relever la virilité dans les civilisations corrompues, d’opérer un retour vivifiant de l’instinct, quand la réflexion a supprimé la subordination, de montrer que se faire tuer volontiers par fidélité pour un chef (chose que le démocrate tient pour basse et insensée) est ce qui rend fort et fait posséder la terre. » Par une exagération analogue, Fustel de Coulanges ne voulait voir, dans les Germains des invasions, que des hordes de pillards, de paillards et d’ivrognes, qui à leurs vices grossiers ajoutèrent bientôt les dépravations plus savantes des vaincus et finirent par se détruire eux-mêmes dans la débauche et dans la paresse. La vérité est entre ces deux excès. Il est