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agricoles, cherchaient à accaparer eux-mêmes les terrains compris dans le tracé de la ligne... » En Afrique, nos voisins ont, dans leurs anciens alliés, des adversaires non moins acharnés qu’en Orient. Quand ils se décidèrent à leur expédition en Tripolitaine, il leur fut relativement facile de s’entendre avec la France et l’Angleterre. Au contraire, les bons amis allemands et autrichiens reprochèrent à l’Italie ce qu’ils appelaient ses « tours de valse » et la traitèrent brutalement de « cocotte du trottoir [1]. » Tout en soutenant la résistance des Turcs, ils lui firent une opposition hypocrite qui rendit particulièrement ardue la conclusion de la paix. Partout, l’Italie se heurte à la prétention des Empires centraux d’exercer sur elle une surveillance et de conduire ses affaires dans le sens de leurs propres ambitions.

Avec nous, c’est une coopération amicale qui s’offre, mais à condition, bien entendu, que l’union soit sincère et sans restriction, que l’intérêt italien, le nôtre et celui de nos Alliés s’efforcent loyalement de s’harmoniser. Il importe surtout que l’union soit durable, et, si l’on ose dire, définitive, afin qu’on n’ait pas à regretter demain ce qu’on aura fait aujourd’hui. Et il importe encore que nos diplomaties respectives renoncent décidément aux petits jeux de bascule, qui consistent à favoriser celui-ci aux dépens de celui-là, à paralyser l’un par l’autre à susciter des embarras à l’un de nous, avec l’espoir d’en profiter. Quiconque n’est pas avec nous est contre nous, et nous ne devons connaître d’autres amis que nos Alliés et d’autres ennemis que ceux de l’Alliance.

Ainsi l’Italie, par sa politique extérieure, tirera un bénéfice capital de l’union. L’essentiel, pour elle comme pour nous, ce sera d’avoir assuré, par cette fédération défensive, notre indépendance nationale, notre vie même, et notre liberté d’action. N’obtiendrions-nous que cela, ce serait déjà un résultat admirable. Au point de vue économique et financier, nul doute que les nouvelles amitiés de nos voisins ne leur vaillent de copieuses compensations à la rupture des anciennes. Assurément, les autorités compétentes, interrogées à ce sujet, avouent bien qu’il sera difficile, même avec la plus haute abnégation patriotique,

  1. Si je rappelle ces expressions désobligeantes, c’est qu’elles sont relevées quotidiennement par la presse italienne, qui en fait un grief de plus contre nos ennemis.