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mélange de Français, d’Italiens, d’Espagnols et de Maltais. Sans doute, il est clair que chaque famille de ces colons conserve encore et conservera longtemps ses traits ethniques particuliers. Mais ces différences s’annihilent pratiquement dans la conscience qu’ils ont tous d’être les fils d’un même pays et les soldats de la même cause. Aujourd’hui, après un siècle bientôt de domination latine, les indigènes à leur tour, du moins dans leurs élémens les plus éclairés, subissent l’attraction de ce groupement nouveau : la communauté du sol et un lien aussi fort que la communauté d’origine. D’ailleurs, l’ascendance sémitique des Maures et des Bédouins de l’Afrique du Nord, comme des Juifs eux-mêmes, est extrêmement contestable. Il y a là un fait capital, riche d’enseignemens, gros de conséquences, que je signale, depuis vingt ans, à mes compatriotes. Du Sang des races à Saint Augustin, je n’ai guère fait qu’illustrer, développer, présenter sous toutes ses faces l’idée de l’union des peuples latins, comme unique moyen de les revivifier et de leur rendre la place prépondérante qu’ils ont tenue dans le monde.

Or, en Algérie, cette fusion s’est opérée en présence et en quelque sorte sous la pression d’un péril commun. Aujourd’hui, Italiens et Français, Latins d’Occident, nous avons tous un ennemi commun, qui est le Germain. Ce qui s’est réalisé en petit dans notre Afrique, ne peut-il se réaliser en grand dans nos pays d’origine ?

Je me hâte de reconnaître que les conditions sont bien différentes. En Afrique, nous sommes des étrangers réunis sous la domination effective d’une puissance étrangère. Une nation hégémonique, la France, a dû imposer a des élémens hétérogènes une unité au moins administrative et politique. Que cette nécessité de subir l’hégémonie française ait été le plus grand adjuvant de la fusion latine en Algérie, cela est trop évident. L’Allemagne aussi s’est fondue sous la poussée, pour ne pas dire sous la menace de la Prusse prépotente. — Pour nous, Européens d’Occident, il est sûr d’ores et déjà qu’au lendemain de la victoire sur le Teuton, il n’y aura pas de nation hégémonique. Chacune aura besoin de sa voisine. Tout au plus y aura-t-il entre nous des différences de prestige. Assurément, c’est là un inconvénient pour l’union, comme pour le simple maintien de l’Alliance actuelle, mais ce peut être aussi un avantage. L’obligation, pour l’Alliance future, d’être librement