Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’exécution méthodique de ce programme de pénétration mutuelle suppose un changement profond dans les directions de nos gouvernemens, pour ne pas dire qu’il exige un renouvellement complet de leurs cadres. Il suppose que, décidément, les questions nationales auront pris, chez nous, le pas sur toutes les autres, et que nous aurons enfin une politique extérieure cohérente et suivie. Il n’est que temps : sur les ruines de la vieille Internationale prolétarienne, qui s’effondre dans le reniement de ses propres principes, une autre vient de surgir, à qui l’avenir semble promis, — l’Internationale des nations, la fédération des Etats qui ont mêmes intérêts et mêmes idéaux. L’âge nouveau qui commence réclame des hommes nouveaux. Une nation ne peut plus vivre en vase clos. Qu’elle le veuille ou non, elle est en relations avec le monde entier. La lutte de classes disparaît dans la lutte des nations, ou plutôt des groupemens de nations. Et ainsi la Weltpolitik apparaît désormais comme la tâche essentielle des gouvernemens : l’unique supériorité des Allemands est de s’en être aperçus les premiers.


L’instinct de conservation nous suggérera, je l’espère, les réformes de conduite indispensables à ce renouvellement. En attendant l’Unité latine et la constitution définitive du Bloc occidental, la fédération France-Italie se présente immédiatement comme la réalisation la plus accessible. Pour qu’elle soit possible, il faut d’abord y croire et la vouloir. Il faut que ce soit une foi. Le pangermanisme, dans son fond, est une volonté mystique. Le premier article de cette foi dans les destinées de notre race, c’est de nous persuader, les uns et les autres, que l’intérêt français et l’intérêt italien ne peuvent plus être antagonistes. Il dépend beaucoup de nos gouvernans d’exaucer ce vœu intime des deux nations.

En dépit de toutes les différences de caractère et de toutes les divergences d’intérêt, la fusion progressive des deux peuples doit être notre idéal. Or, cette fusion, nous en avons, sous les yeux, un exemple vivant. Ce qui paraît un rêve de poète ou de patriote a déjà commencé à se réaliser. En moins d’un demi-siècle, l’Algérie a vu naître et grandir un peuple néo-latin originaire de tous les pays de la Méditerranée occidentale,