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sentons, nos alliés et nous, qu’un danger plus ou moins obscur nous menacera toujours du côté de l’Allemagne, et que, même si nous parvenons à le conjurer, nous devons toujours être en mesure de repousser un retour agressif de notre adversaire. Contre ce péril, l’union s’impose, avec la coordination de nos forces. Nous avons le sentiment confus, mais impérieux et pressant, qu’il y a là, pour nous, un souci de tous les instans, et que devant le Germain, si débilité qu’on voudra, mais resté actif, prolifique, belliqueux, dédaigneux de la foi jurée, il n’est de repos assuré pour personne. Et ainsi la nécessité de l’union se présente, en tout état de cause, comme inéluctable.

Eh bien, le sentiment de cette nécessité, il faut que nous, littérateurs, sans attendre les calculs et les combinaisons des spécialistes, nous nous efforcions de le faire passer dans les idées et dans les faits. Toutes les grandes idées, tous les grands mouvemens historiques ont commencé par être des sentimens vagues, mais puissans. Par tous les moyens en notre pouvoir, fortifions la puissance de cet instinct d’union, qui sommeille encore dans la conscience populaire, réchauffons-le, exaltons-le, de façon à le rendre victorieux des manœuvres de l’intérêt vulgaire, comme des objections des politiciens à courte vue. Pendant ce temps-là, nos juristes, nos économistes, nos diplomates, nos techniciens industriels et militaires étudieront avec minutie, avec lenteur, avec sagesse tous les aspects pratiques du problème. Ce qui est urgent, c’est que le principe de l’union permanente soit accepté par tous les alliés d’aujourd’hui, c’est qu’il soit mis au-dessus de toute discussion. Nous n’avons pas à nous inquiéter de savoir comment la chose se fera. Nous savons qu’elle doit se faire, et nous n’avons qu’une chose à dire et à répéter sans cesse : il faut que cela soit.

Mais, précisément pour que cela soit, il importe que l’idée sorte de la littérature et du domaine des considérations purement spéculatives. Ecrivains de toute sorte, essayistes, romanciers psychologues ou descripteurs de foules, conférenciers, orateurs ou poètes lyriques, nous ne pouvons que montrer la voie, populariser l’idée de l’Alliance. Il appartient aux pouvoirs publics de s’en emparer et d’en assurer la réalisation d’une façon méthodique et persévérante. La pénétration fédérative doit avoir ses organes officiels, acceptés et reconnus, dans tous