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fin de non-recevoir absolue, ou une négation tranchante : « Quel beau rêve ! disent-ils. En comptant l’Espagne et l’Italie, nous serions 120 millions de Latins, qui contre-balanceraient les 120 millions de Germains du bloc central ! » Certains, qui se rangent parmi les partisans les plus résolus de l’Alliance, parlent déjà d’unifier nos colonies, ce qui aurait l’avantage de supprimer entre nous une foule de questions irritantes, et ce qui serait un premier pas vers l’unification complète et définitive. D’autres sourient de cette promptitude, qui ne doute de rien, et tout en admettant le projet en principe, ils énumèrent les très nombreuses et très grandes difficultés auxquelles il se heurtera. Ces difficultés, un simple littérateur ne saurait se flatter de les résoudre, ni même d’en prendre une idée suffisamment exacte. Il doit laisser la parole aux économistes, aux politiciens et aux diplomates. Ceux-ci ne dissimulent point les obstacles de l’entreprise.

On sait que l’Allemagne a commencé par un Zollverein l’œuvre de son unification intérieure. Or, une pareille union douanière est-elle possible entre la France et l’Italie ? Un des plus éminens économistes italiens, M. Maggiorino Ferraris, déclare franchement qu’il ne le pense point : « L’union douanière, dit-il, et la suppression des droits de frontière, — du moins sous le régime économique actuel, — est plus qu’une idée prématurée, c’est une utopie, les conditions de la production et du travail étant par trop différentes dans les divers Etats de l’Entente. Chaque pays doit conserver son autonomie douanière dans ce que M. Gabriel Hanotaux a très heureusement défini « la fédération des autonomies économiques. » Par conséquent, pour nous, les deux points essentiels, dans l’ordre d’idées que nous préconisons, sont les suivans : 1° autonomie douanière et économique de chaque pays allié ; 2° fédération des autonomies douanières et économiques en une seule Entente économique entre les nations alliées <ref> Cf. Nuova Antologla, 16 aprile 1916 : L’Italia a la Conferenza economica di Parigi. </<ref>... »

M. Paul Leroy-Beaulieu est, en somme, d’un avis identique. Lui aussi, il estime que, — du moins pour l’instant, — une union douanière franco-italienne est une utopie. Et cependant il rappelle que, dès 1876, dans un de ses livres de début, il fut le premier à envisager la nécessité de cette union comme