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que Mistral réclame, c’est la décentralisation administrative et l’union linguistique des pays de langue d’oc. Les Catalanistes de Barcelone n’ont jamais songé sérieusement à fusionner avec la France, encore moins avec l’Italie. C’est tout au plus s’ils ne demandent pas à se séparer de l’Espagne : ils n’ont pensé qu’à la Catalogne, — celle d’en deçà et celle d’au delà des Pyrénées. De même d’Annunzio, lorsque, avant la guerre, il célébrait le Pays latin et la Mer latine. Ces termes vagues ne semblent pas désigner autre chose, pour lui, que l’Italie proprement dite et les terres italiennes non rachetées. Le mare nostro, c’était l’Adriatique, ou la mer Tyrrhénienne, ou les deux ensemble, mais revendiquées moins pour la latinité tout entière que pour la seule Italie. Depuis la guerre européenne, sous la menace de plus en plus pressante du Germain, cet état d’esprit paresseux s’est profondément modifié ; la race a secoué sa somnolence, et le latinisme tend à prendre une conscience plus précise et plus positive de lui-même.

Il y a mieux : la question de l’unité franco-italienne est, en ce moment, à l’ordre du jour. Chez nous, elle ne cesse de gagner du terrain. Chez nos voisins, la grande masse de la population lui est favorable. Si l’on en parle à un paysan ou à un ouvrier, surtout de ceux qui ont travaillé et vécu en France, ils se frappent la tête comme des gens qui n’ont pas songé à une chose très simple et très naturelle. Pour eux, pas l’ombre d’un doute ! Il faut nous unir pour être forts. Nos affaires à tous s’en trouveront bien, et chacun sera content ! Ils aiment la France, ils lui sont reconnaissans de l’hospitalité qu’ils y ont reçue. « Pourquoi faire tant de cérémonies ? Puisque cela nous arrange des deux côtés, qu’on se donne la main et qu’on soit amis, à la vie et à la mort !... » Peut-être nos paysans et nos ouvriers, plus casaniers, moins habitués à quitter la terre natale, plus méfians de l’étranger, manifesteraient-ils des dispositions moins chaleureuses. Il reste vrai cependant que ce sentiment de fraternité populaire, supérieur à toutes les intrigues et à toutes les finasseries diplomatiques, est quelque chose de très fort. C’est la base la plus solide pour une entente future.

Si, d’autre part, on essaie de pressentir les hommes politiques italiens, on obtient généralement les réponses les plus approbatives et les plus empressées. Les sceptiques eux-mêmes sont trop courtois et aussi trop avisés pour nous opposer une