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monde, un credo bien défini, reconnu et accepté par tous : c’est le catholicisme. A Yeddo comme à Rome, une âme, en tant que sauvée par Jésus-Christ, a exactement la même valeur qu’une autre, une messe a exactement la même signification. Non seulement les mots sacramentels de la liturgie sont pareils, mais les expressions de justice, de droit, de liberté sont entendues par tous dans un sens scrupuleusement identique et délimitées par une théologie si précise qu’aucune discussion n’est possible. Seulement cette doctrine est fondée sur le sacrifice, l’humilité et le renoncement ; elle plane au-dessus des intérêts antagonistes des nations, et enfin son royaume n’est pas de ce monde.


Dans le monde des intérêts matériels, une pareille Internationale semble à tout jamais impossible. Espérer même la constitution d’Etats-Unis d’Europe, dans un avenir plus ou moins rapproché, semble aussi une bonne utopie. La guerre actuelle a divisé notre continent en deux camps hostiles, entre lesquels on ne voit pas comment pourrait se faire une réconciliation. Les neutres eux-mêmes manifestent des antipathies et des sympathies contradictoires. Nul doute qu’ils ne soient entraînés, à brève échéance, dans le double jeu de nos amitiés et de nos inimitiés. Les choses étant ainsi, tout ce qu’on peut espérer, c’est que, sous la pression des circonstances, la poussée des forces antagonistes, certains peuples, qui ont des affinités de race, des intérêts ou des ennemis communs, cherchent à se rejoindre et à s’unir pour leur défense. Dès maintenant, on entrevoit, non seulement en Europe, mais dans le monde entier, l’ébauche de vastes groupemens simplificateurs qui se partageront la planète. Amis ou ennemis, la Russie, le Japon et l’Amérique paraissent bien devoir former un de ces groupes pour l’Orient et l’Extrême-Orient. Le reste se diviserait entre les deux groupes de l’Europe centrale et de l’Europe occidentale.

Il est trop certain que l’Allemagne, après avoir accompli son unité intérieure, travaille de plus en plus à obtenir son unité ethnique, en formant le bloc des Empires centraux et en y rattachant les peuples de langue et d’origine germaniques. Sans doute, le pangermanisme n’a pas réussi à exécuter son dévorant programme. Et on peut dès maintenant affirmer que