Avant toutes choses, il y a une vérité, dont il importe que nous soyons bien convaincus et qui sera comme sous-entendue d’un bout à l’autre de cette étude : c’est la faillite décisive, — mise dans une lumière éclatante et tragique par l’actuelle guerre européenne, — du pacifisme et de l’humanitarisme révolutionnaire, considéré comme idéal universel.
Si excédés d’horreurs que nous soyons, si désireux d’imposer à nos adversaires une paix victorieuse, qui ait des chances d’être provisoirement définitive, ce n’est pas un fait de médiocre conséquence pour les nations en conflit que d’avoir repris goût à la violence, de s’être accoutumées de nouveau au mépris de la vie humaine. Croit-on que ce dur apprentissage s’oubliera si facilement ? Le pire, c’est d’avoir révélé non seulement que la grande guerre est toujours possible, mais qu’elle peut se prolonger, s’éterniser même, sans amener les perturbations profondes, les désastres économiques et financiers dont on nous avait menacés, et, malgré les incommodités les plus gênantes, les épreuves et les angoisses les plus douloureuses, que, finalement, on s’habitue à tout. Les « guerre de Trente Ans, » les « guerre de Cent Ans, » dont on nous apprit l’histoire au collège et que nous croyions entrées dans l’archéologie, nous apparaissent comme des éventualités ultra-modernes.
Une autre constatation qui ressort des faits, c’est que les intentions les plus pacifiques ne mettent pas un pays à l’abri de l’agression. En vain préconise-t-on l’arbitrage international, — on ne sait quel Conseil amphictyonique chargé de faire la police de l’Europe ; — en vain allègue-t-on l’exemple des sociétés civiles qui, depuis des siècles et dans le monde entier, ont accepté