si la France se refusait à accepter sa loi, — reporter contre la Russie le gros de ses forces et la contraindre à la paix. Et la campagne eût été terminée en quelques mois, à la plus grande gloire de la plus grande Allemagne.
Mais du 7 au 10 septembre, les Allemands, au lieu de vaincre, furent vaincus ; au lieu de passer, ils durent reculer. Bien plus, cette défaite, qui les stupéfiait, sembla soudain non seulement renverser leurs plans, mais briser leur confiance. Ces magnifiques opérations que le haut état-major se promettait comme un gigantesque Kriegspiel, il y renonça. Il inaugura la guerre de forteresse ; mais on dira un jour comment et pourquoi, l’instituant, les Allemands nous servirent plus qu’ils ne se servirent. Plus qu’eux, ce magnifique effort de la Marne accompli, nous avions besoin de voir s’élever entre eux et nous ce mur derrière lequel nous pûmes nous préparer à de nouvelles luttes. Sans doute pouvions-nous déplorer, — et amèrement, — que ce mur se fût élevé sur notre territoire. Mais le fait n’en restait pas moins là. La défaite des Allemands sur la Marne avait en quelque sorte figé l’invasion.
Deux ans ont passé : l’Allemagne a pu, çà et là, obtenir des succès, remporter des victoires ; et cependant jamais on ne revit un Allemand au delà de la ligne où, le lendemain de la Marne, ils étaient rejetés. Ces deux années de guerre même sont la justification de notre première victoire : si aucun des belligérans ne les avait prévues et d’avance admises, les Allemands les prévoyaient, les agréaient moins que personne. Ils ont mis une belle ténacité à essayer de se faire une situation favorable avec les morceaux de leur rêve. Mais le rêve avait bien été brisé dans les journées de septembre 1914.
Ainsi le sort de la grande guerre a été, en ces jours de la Marne, renversé, et avec le sort de la guerre, celui du monde.
Quel sort lui préparait la victoire de l’Allemagne ? Je ne pense point instituer ici une polémique. Je m’en tiens aux aveux de l’ennemi, à ses déclarations d’avant la guerre, à ses déclarations depuis la guerre. Le peuple allemand ne comptait point seulement, sur le monde latin comme sur le monde slave, satisfaire ses haines et ses convoitises. Nous n’étions plus à la veille d’un de ces conflits d’où une nation sort augmentée et une autre diminuée. Nous étions en face d’une tentative, faite avec d’immenses chances de succès, pour établir sur l’Europe