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à plus forte raison d’un simple « repli » de tout temps voulu et arrêté ? Ils lâchaient plus. Reculant de 60, 70, 80 kilomètres en trois jours, ils abandonnaient les deux tiers de leur gage. Le 5 septembre au soir, l’Allemand occupe en totalité ou par lambeaux la valeur de dix à onze de nos départemens, où déjà ils s’installaient en maîtres ; le 13 septembre au soir, ils occupent à peine le tiers de ce territoire. Quelle armée a, sans avoir éprouvé le poids d’une lourde défaite, évacué si précipitamment les deux tiers de ce qu’elle a conquis ? Et qu’importe au surplus qu’ils nient ? Les résultats étaient là : huit départemens français libérés du joug allemand.


LES CONSÉQUENCES HISTORIQUES

Mais ces résultats immédiats, si beaux soient-ils, combien ils paraissent secondaires, auprès des conséquences historiques de la Marne !

« Agir avec rapidité, voilà le maître atout de l’Allemagne, » avait dit M. de Jagow à sir Ed. Goschen. Jamais il ne faut perdre de vue cette parole que tout au surplus confirme. Devant la coalition qui la menaçait, mais que dans son orgueil elle ne redoutait point, l’ayant provoquée, l’Allemagne n’avait en effet qu’une ressource : la rapidité. Pour que la victoire fût certaine, il fallait qu’elle fût prompte. La Russie ne serait pas prête à résister avant deux mois : il fallait porter la quasi totalité des forces germaniques sur la France et l’écraser dans ces deux mois. La surprise qui résulterait du passage des troupes allemandes par la Belgique permettrait la réalisation du dessein. Il était si patent, que, cette fois, l’Allemagne n’a pas osé nier qu’il eût été le sien : on comptait être à Paris, et probablement maître de la France entre Somme et Loire, pour la fin de septembre. Il est fort clair que le rêve se réalisait si l’armée française avait été, entre le 5 et le 10, écrasée ou même disloquée, sur sa ligne de bataille. Sans doute aurait-il encore fallu prendre de revers les armées Castelnau et Dubail, lutter quelques mois encore peut-être contre les restes de la grande armée française plus ou moins reformée en arrière. Mais si la barrière constituée le 5 septembre, de l’Ourcq à l’Ornain, avait cédé, l’invasion passait, dont la puissance eût été décuplée par l’ivresse de la victoire. Alors l’Allemagne eût pu, — même