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Galliéni, Maunoury, French, Espérey, Foch, Langle de Cary, Sarrail, Castelnau et Dubail.

Je n’aurai pas l’impertinence de leur décerner des prix. Ce que chacun a fait, le lecteur l’a vu : comment Maunoury, après avoir porté le premier coup, et par là attiré sur lui le gros des forces de Klück, sut les y maintenir, — détraquant le plan allemand et déconcertant toutes les prévisions ; comment French, après avoir tenu bon le premier jour, sut exploiter, peut-être un peu lentement, l’heureux effet du prodigieux effort de Maunoury pendant trois jours de combat ; comment Franchet d’Espérey, faisant passer dans ses troupes l’ardeur de sa nature, les jeta sur Montmirail où l’appelait l’ombre de l’Empereur et, menaçant l’armée allemande déjà ébranlée, en précipita la retraite ; comment Foch, sur les mêmes champs célèbres, opposa à un effort violent de l’ennemi un front ferme que nul incident ne troubla et ce sang-froid souriant qui tout à la fois rassure et réchauffe ; comment Langle de Cary et Sarrail, maintenant à bras tendus les princes allemands de Vitry à Verdun, couvrirent sans défaillances et sauvèrent la pierre angulaire sur laquelle reposait la bataille.

Ce qui fut très beau, c’est que, agissant chacun pour le mieux dans son secteur de bataille, tous s’aidèrent : je cite le fait, parce que, hélas ! il ne fut pas toujours celui des plus grands soldats dans le passé. « Les commandans d’armée, avait télégraphié Joffre le 1e’septembre, devront constamment se communiquer leurs intentions et leurs mouvemens. » Ils firent beaucoup mieux : ces soldats pratiquèrent avec une rare intelligence la solidarité, parce que, unis déjà par la doctrine, ils communièrent, par surcroît, dans l’amour désintéressé de leur pays. Ainsi se remportent les victoires.

Pour les juger en masse, je me rallierai à l’opinion du bon soldat étranger qui les vit combattre : « Vos généraux, s’écriait sir John French, ah ! ce sont de sacrés soldats ! — damned good soldiers ! » Ce jugement sommaire contient cependant tout.

Et puis, sur ces u sacrés soldats » il y avait d’autres » sacrés soldats, »


... les petits, les obscurs, les sans grades,
Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades,


comme a dit le poète des soldats de la grande époque. Napoléon