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toute la journée du 10 où il y a, de Revigny à Vaubecourt, bataille continue, meurtrière pour l’ennemi qui y laisse 7 000 hommes. La situation reste néanmoins inquiétante : une défaillance du côté de Saint-Mihiel peut tout compromettre, à l’heure où, de l’Ourcq à l’Ornain, tout prend bonne tournure.

La défaillance ne se produit pas : Troyon bombardé, à moitié écroulé, repousse les assauts ; l’ennemi ne peut franchir la Meuse. Soudain, le 11, les canons allemands se taisent. « Calme impressionnant, » dit un officier. C’est que le Kronprinz est averti que, vaincues sur l’Ourcq, repoussées sur la Marne, les armées allemandes battent en retraite. Et lui-même vacille. Sarrail pousse vivement son offensive : le 5e corps reprend Laimont et Villotte, tandis qu’à sa gauche le 15e corps de la 4e armée avance au delà du canal de la Marne au Rhin. A notre droite, le 6e corps et les divisions de réserve essaient de prendre part à ce mouvement en avant, malgré le feu des obusiers allemands protégeant la retraite du prince. A la fin de la journée, le 15e corps a occupé Rancourt et Revigny, progressé jusqu’à Brabant-le-Roi, enlevant au XVIe corps en retraite canons et mitrailleuses ; le VIe oppose encore, au Sud de Souilly, une assez vive résistance à notre 6e corps. Les Allemands essaient une dernière tentative offensive sur Troyon : le fort résiste. C’est fini... Battu sur toute la ligne, l’ennemi n’a pu retourner sa suprême carte à Saint-Mihiel. Notre pivot a tenu et tout est sauf. L’Allemand d’ailleurs s’avoue partout vaincu ; car partout sa retraite s’accentue, s’accélère, tournant, en certaines régions, à la fuite, aveu formel d’une formelle défaite.


LES RÉSULTATS IMMÉDIATS

Quelqu’un qui, dans les journées des 10, 11, 12 et 13 septembre, eût pu embrasser du regard l’énorme champ où vient de se livrer la plus considérable bataille de l’Histoire, verrait, des bois de Souilly au Sud de Verdun, à la forêt de Compiègne au Nord de Paris, l’armée française s’avancer comme une énorme faux emmanchée sur Verdun. De la droite à la gauche, notre ligne est en mouvement sur les derrières de l’ennemi en retraite : Maunoury est déjà sur la région de Compiègne et de Soissons ; l’armée French a jeté ses divisions dans la direction de Neuilly-Saint-Front et la Fère en-Tardenois qu’elle occupe