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Mondement, devenu le centre d’une mêlée acharnée, est assailli. Le général Humbert s’y est entêté. Le vieux château troué par nos obus après ceux de l’ennemi, les deux partis semblent en faire un instant le centre de la bataille entière : « Allons, mes gars, allons, mes braves, crie le colonel Lestoquoi aux soldats qui pour la troisième fois attaquent ; allons, un dernier coup de collier, et ça y est ! » Et ça y était ! Le général Humbert reprenait, sous la vieille tour ronde maintenant en ruines, son poste d’observation, 3 000 cadavres allemands jonchant les allées du parc.

« Un dernier coup de collier et ça y est ! » : le général Foch eût pu adresser à toute son armée le cri cordial du colonel Lestoquoi. On a reconquis la crête qui domine les marais. l’ennemi cède ; la plaine nous est rouverte, on s’y précipite.

Les Marais ne sont point ce que la légende — car il y a déjà une légende de la Marne — a entendu en faire. Nul ne s’y enlizera parce que, en ces mois, nul ne s’y pourrait réellement enlizer. Ce n’est, après ce chaud été et malgré une petite pluie, très courte, qu’une sorte de cuvette où dans la terre grise fendillée, craquelée, poussent les ajoncs et les roseaux. Mais cette cuvette, où la Garde prussienne est forcée de se battre, est exposée à nos coups et si la Garde prussienne ne s’y embourbe point ainsi que nous le contaient des publicistes romantiques, elle s’y fait canonner : 8 000 de ses guerriers y restèrent sous les coups de notre artillerie amenée en hâte sur les collines que la veille les Allemands occupaient. Foch poussait contre ces débris ses divisions victorieuses.

Le soir du 10, il était maître des marais et, grâce à l’énergie avec laquelle il avait transformé sa défensive laborieuse en victorieuse offensive, les troupes débouchaient au Nord et, d’un seul bond, gagnaient la ligne Vertus-Vatry ; le général venait loger à Fère-Champenoise où, quelques heures avant, la Garde prussienne était installée, se gorgeant, se gobergeant, buvant à la destruction assurée de l’armée française : « Que vos troupes mangent le pain que l’ennemi a fait faire, écrivait Napoléon à Murât ; ce pain sera plus savoureux pour vos braves que ne le serait de la brioche. » Ce n’est pas seulement le pain cuit par l’ennemi que trouvaient les troupes courant en avant, mais des milliers de bouteilles dont la vue les faisait sourire, éclairant certaines défaillances de l’ennemi. De fait, on cueillit ce jour-là