Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’armée allemande battait en retraite, vaincu, vers le Nord. De toute part, tristement, les colonnes allemandes s’écoulaient, quelques-unes en assez mauvais arroi : tout à l’heure, elles ne sentaient pas la fatigue : celle-ci devient cruelle à ces hommes qui, la veille encore, pensaient tout emporter, et battent en retraite, après de sanglantes pertes. Ce n’est plus le Nach Paris ! mais un silence fait de stupéfaction. On n’a pu ramasser ses blessés ni enterrer ses morts, car il faut céder le terrain. Blessés et morts jonchent le sol : pour ne citer qu’un épisode, le régiment de Magdebourg s’est fait presque entièrement anéantir dans l’effort désespéré tenté près d’Acy-en-Multien où, à la tête de la 5e division, le général Mangin, énergique « Africain, » a rejeté les Allemands en déroute.

Maunoury achève de nettoyer le champ de bataille : il porte de sa droite à sa gauche les forces nécessaires pour expulser de Nanteuil les élémens allemands qui s’y cramponnent. Et déjà le général français est sur les talons de l’ennemi en retraite ; il remonte l’Ourcq sur ses deux rives, tandis que les Allemands gagnent la forêt de Villers-Cotterets d’où les jours suivans on les poussera dans la direction de Soissons.

Dès le 10, Maunoury pouvait adresser à ses troupes l’ordre du jour devenu célèbre : « Camarades, le général en chef vous a demandé, au nom de la Patrie, de faire plus que votre devoir. Vous avez répondu au delà même de ce qui paraissait possible... Si j’ai fait quelque bien, j’ai été récompensé par le plus grand honneur qui m’ait été donné dans ma longue carrière, celui de commander des hommes tels que vous... »

C’était, en effet, la 6e armée qui, après avoir forcé le général von Klück à abandonner brusquement son offensive contre les Anglais et la 5e armée et ayant par là attiré sur elle la plus grosse masse d’une des plus fortes armées allemandes, avait, quatre jours, opposé à la plus formidable poussée un front imperturbable, et, aidé par la marche menaçante des armées de la Marne, finalement forcé l’ « incomparable » armée et son éminent chef à une retraite précipitée, — seul moyen qui leur fût laissé d’éviter la ruine.


Un tel événement ne pouvait qu’avoir sur le sort de l’énorme bataille une considérable répercussion. Mais elle ne