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toute action au delà de la Marne, car il donne l’ordre de faire sauter les ponts du fleuve [1] : ainsi sera-t-il gardé sur son flanc gauche. Presque toute son armée est maintenant contre Maunoury.

Celui-ci tiendra-t-il avec des troupes qui, par une chaleur écrasante, combattent depuis trois jours ?

C’est alors que Galliéni, prévenu par le commandant de la 6e armée de sa situation, lui envoie, le 9, de sa propre initiative, le plus précieux renfort : la 62e division vient de débarquer à Paris ; il entend qu’elle soit, dès les premières heures, jetée dans la bataille ; les auto-taxis de Paris sont en quelques heures arrêtés, mobilisés, chargés de troupes, — ces véhicules si modernes vont ainsi avoir leur petite part au « miracle, » — et portent vers l’Ourcq les soldats qu’égaie ce geste du gouverneur. Troupes fraîches dont l’intervention en toutes circonstances serait précieuse. Et, à cette même heure, Klück a reçu du Sud des renseignemens peu rassurans que lui envoie le général de Marwitz, laissé devant les Anglais.


Ceux-ci avaient été fort sérieusement attaqués, le 6, au matin, par le IIe corps sur la ligne Vaudoy-Hautefeuille, tandis que le IVe corps les pressait sur leur gauche. Le maréchal French s’apprêtait à réagir, lorsqu’il eut la surprise de voir soudain se ralentir et cesser ces attaques. C’est le moment où, averti du danger qui le menace au Nord, Klück rappelle la plus grosse partie de ses forces. Les Anglais ne savaient ce qu’il en fallait penser. Classiquement, Klück masquait, par le tapage croissant de son artillerie et un grand déploiement de cavalerie, le brusque retrait de ses 80 000 hommes. Les Anglais hésitaient à marcher vers le Nord : ils laissèrent le IVe corps repasser le Petit-Morin et ne se décidèrent que vers le soir à pousser leurs avant-gardes sur la ligne Villiers-sur-Morin- Choisy. L’infanterie de French s’enhardissait : elle réoccupa, « au pas gymnastique, » les hauteurs d’où, le matin même, l’artillerie ennemie la bombardait. La cavalerie de Marwitz continuant à masquer le retrait des corps allemands, ceux-ci purent encore repasser la Marne, le 7. Les Anglais cependant dépassaient Coulommiers et, le 8, instruits par les aviateurs

  1. L’ordre ne put être exécuté qu’en partie.