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celui d’une de nos tragédies classiques. Il sera réalisé, en dépit des trois violentes tentatives de l’ennemi pour le rompre, principaux actes de ce grand drame : violent retour de Klück, enfin averti, contre l’armée de Maunoury, violente contre-offensive des armées Bülow et Hausen pour enfoncer Foch et percer notre centre, violente poussée des deux princes allemands sur la vallée de la Saulx-Ornain pour disloquer notre droite, le tout aboutissant à la retraite précipitée de l’ennemi qui, sur tous les points, après des succès balancés, aura perdu la partie.


LA BATAILLE

Les premières journées seront surtout les journées de Maunoury.

En effet, à peine celui-ci s’est-il ébranlé, menaçant d’enveloppement et d’écrasement les 40 000 hommes du corps de Schwerin, que le général prussien, alarmé, appelle à l’aide. Klück alors apprend que toute une armée de constitution récente menace son flanc droit, au moment même où il engage contre French et Espérey les quatre cinquièmes de son armée. Avec une décision qui consacre sa réputation de stratège, il n’hésite pas à renverser son plan pour briser l’étreinte qui se prépare. Il va se retourner avec le gros de ses forces contre Maunoury quitte, après l’avoir écrasé, à revenir au Sud vers French et Espérey.

Tout va donc dépendre de la résistance de Maunoury. S’il tient bon, French et Espérey peuvent, en refoulant les troupes laissées devant eux, menacer à leur tour Klück sur son flanc, non plus le droit, mais le gauche. Et menacé en effet, le troisième jour, il faudra bien que Klück s’avoue vaincu et batte en retraite, de peur d’être broyé entre Maunoury, French et Espérey.

Ce sera la bataille de l’Ourcq. En la perdant et en battant prudemment en retraite, Klück, découvrant le flanc de Bülow, ébranlera tout le front allemand, que ne pourront raffermir les furieuses attaques de l’ennemi contre Foch. C’est dans ce sens qu’on a pu dire que la bataille de l’Ourcq fut l’acte décisif de la victoire de la Marne.

Le premier choc entre Maunoury et le corps Schwerin s’était produit, dès le 5, à Monthyon. Cependant, les cavaliers marocains,