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sur le plateau barrois qui sépare l’Ornain de l’Aire, Sarrail a assis le gros de son armée.

C’est la Marne qui sert de lien à toutes ces contrées : depuis Ligny où Sarrail a son quartier général jusqu’à cette région de l’Ourcq où Maunoury va livrer bataille, coulent les eaux que la Marne recueille pour les amener à la Seine au seuil même de Paris : vallée de la Marne, française entre toutes, puisqu’elle lie à Paris les terres de nos Marches de l’Est, région qui va de la capitale à Reims où se faisait sacrer le Roi, à cette barrière d’Argonne où la Convention voyait « les Thermopyles de la France », à ces plateaux où Napoléon disputa trois mois. la France à la curée de l’Europe. C’est là que Joffre a amené ses armées : c’est là qu’il entend qu’elles combattent. Au contact de cette terre, le Français retrouvera des forces surhumaines : tel ce géant de la Fable, Antée, devenant invincible chaque fois qu’il touchait la Terre sa mère. Et de fait, il me semble voir, le 5 septembre, un géant soudain retourné et solidement assis, offrant un front têtu à l’attaque, les coudes fermement appuyés sur les camps de Paris et de Verdun.


C’est bien en effet entre les deux villes que se développe l’énorme front redressé le 5. La 6e armée Maunoury [1], maintenant déployée du Nord au Sud entre Dammartin-en-Goêle et la rive droite de la Marne, constitue notre extrême gauche, avec le 7e corps d’armée, les 45e, 55e et 56e divisions de réserve et trois divisions de cavalerie. Elle fait coude avec l’armée anglaise qui, forte de trois corps, sous les ordres du maréchal French, occupe la région au Sud-Ouest de Coulommiers, entre Hautefeuille et Vaudoy, en liaison sur sa droite avec la 5e armée qui, sous le commandement du général Franchet d’Espérey, réunit, de la région Nord de Provins jusque vers Sézanne, les 18e, 3e, 1er et 10e corps d’armée, le groupe des 51e, 53e et 69e divisions de réserve et un corps de cavalerie. Les trois armées forment la gauche de notre armée.

Le général Foch, à la tête de la 9e armée, en constitue le

  1. Suivant l’exemple de M. Babin, dans sa consciencieuse étude, parue dans l’Illustration du 11 septembre 1915, je désignerai par des chiffres arabes nos unités et par des chiffres romains les unités allemandes, ce qui écarte pour le lecteur tout danger de confusion.