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Mais, chose curieuse, presque inexplicable, l’Allemand qui se faisait gloire d’être renseigné sur tout, parait avoir ignoré l’existence d’une armée française sur sa droite, — ou, s’il la connut, du même coup il en méconnut certainement la force et il continua à foncer droit au Sud, tandis que, le laissant s’enferrer, Maunoury déployait son armée, du Nord au Sud, face à l’Est.

La faute était d’autant plus grave que Klück allait se heurter, — ainsi que les autres généraux allemands, — non plus à une armée en retraite, mais à une armée qui venait, sur l’ordre de son chef, de faire face, résolue à l’attaque.


LORDRE D’ARRÊT

Le 1er septembre, Joffre, installé, avec le grand quartier général, à Bar-sur-Aube, avait assigné au mouvement de repli sa limite extrême qui devait être la Seine, l’Aube et la région du Nord de Bar-le-Duc. « On n’atteindrait cette ligne que si on y était contraint. On attaquerait, avant de l’atteindre, dès qu’on pourrait réaliser le dispositif permettant la coopération de la totalité des forces. » Et dans ses instructions aux commandans d’armée, le généralissime, à la même date, indiquait très clairement à ses lieutenans dans quelles conditions se devait achever le mouvement de pivotage autour de notre droite. Le pivot était Verdun assuré par Sarrail qui, adossé au camp retranché, opère le minimum de repli : à sa gauche Langle de Cary, puis Foch entré dans la ligne, puis d’Espérey, puis French exécutent le mouvement de conversion avec d’autant plus d’amplitude qu’ils s’approchent de l’aile marchante. Cependant entre les commandans d’armée les liaisons se resserrent et se multiplient.

Tout se passe avec le plus grand sang-froid, la plus grande méthode, du début à la fin de la manœuvre. Je n’en donnerai que deux preuves entre vingt. Le 27, le général de Langle de Cary, qui tenait tête à l’ennemi avec un singulier bonheur, avait demandé s’il ne lui était pas permis de rester sur ses positions. « Je ne vois pas d’inconvénient, lui avait répondu sagement le généralissime, à ce que vous restiez demain 28, afin d’affirmer vos succès et de montrer que la retraite est purement stratégique, mais, le 29, tout le monde doit être en retraite. » A l’autre extrémité de cette retraite, la preuve du