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LES MARAIS DE SAINT-GOND.

avaient disparu sous bois. La canonnade n’en chômait pas d’un obus. Mais les projectiles allemands passaient au-dessus du château pour aller fouiller les couverts sous lesquels le 49e d’artillerie avait installé ses pièces, entre Broyés et Mondement. Notre feu faiblissait : il reprit son intensité dès que le colonel Barthal eut reçu, à dix heures et demie, les renforts qu’il réclamait. Rassurés par l’inaction de l’artillerie allemande sur Mondement, l’abbé Robin et son petit troupeau sortirent des caves où ils s’étaient réfugiés. Ils passèrent le reste de la journée fort tranquillement. « Le soir, écrit l’abbé, nous allons nous reposer sur nos lits, tout habillés. Les soldats reviennent dans la cour ; ils délogent à la pointe du jour. »

Avant de s’attaquer au château et ne pouvant éteindre notre artillerie, l’ennemi, sans doute, avait voulu déblayer ses abords. Pour prendre Mondement, il fallait commencer par nous déloger de Reuves, d’Oyes, de Montalard, du Signal du Poirier et des autres crêtes boisées que nos hommes occupaient vers Saint-Prix. L’attaque allemande pouvait emprunter trois directions : celle de la berge méridionale des marais, par où elle nous prenait de face ; la route en lacets de Saint-Prix, serpentant à travers le bois des Grandes-Garennes et le bois du Botrait, par où elle nous prenait de flanc ; les routes de Soisy-aux-Bois et de la Villeneuve, par où elle nous prenait à revers. Cette dernière menace semble la plus pressante, l’ennemi occupant déjà Soigny, Charleville et la forêt du Gault. À la fin de la journée du 6, cependant, toutes nos positions de la veille ou à peu près sont conservées sur notre gauche. Nous n’avons pu nous emparer de Toulon-la-Montagne : le 77e, lancé de Bannes à dix heures quarante-cinq, en soutien du 135e qui fléchissait, a dû s’arrêter à Coizard pour éviter d’être pris en écharpe. À Morains, le 32e, qui se bat depuis l’aube, en liaison avec un élément du 11e corps (le 65e), tient jusqu’à la nuit sous « un bombardement infernal[1] ; » son chef, le colonel Mézière, dont un vitrail de Fère-Champenoise commémore la fin héroïque, est décidé « à mourir que de reculer. » Vers huit heures du soir seulement, un gros d’ennemis, qui s'est approché par la voie ferrée avec des mitrailleuses, l’oblige à se replier légèrement vers les lisières du village, en même temps que la com-

  1. Abbé Néret, Au centre de la bataille de la Marne.