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C’est donc au 25 août qu’il faut remonter pour trouver la pensée qui a présidé à la manœuvre de la Marne et abouti au succès.

« La manœuvre offensive projetée n’ayant pu être exécutée, avait écrit, le 25 août, le généralissime, les opérations ultérieures seront réglées de manière à reconstituer à notre gauche, par la jonction des 4e et 5e armées, de l’armée anglaise et de forces nouvelles prélevées sur la région de l’Est, une masse capable de reprendre l’offensive, pendant que les autres armées contiendront, le temps nécessaire, les efforts ennemis. »

A quelle situation répondait cet ordre ? C’est ce qu’il faut rappeler en quelques mots.

Le 3 août, l’Allemagne nous avait déclaré la guerre, hâtant ainsi la rupture qu’elle avait rendue fatale, parce qu’elle croyait avoir enfin trouvé l’occasion de nous attaquer et accumulé toutes les chances de nous écraser promptement. Mais comme, suivant le mot déjà célèbre du ministre Jagow à sir Ed. Goschen, agir avec rapidité était « le maître atout de l’Allemagne » et que, suivant un autre mot, du chancelier de Bethmann-Hollweg, « la France pouvait attendre, » mais que « les Allemands ne le pouvaient pas, » nos redoutables ennemis, à la supériorité du nombre avaient voulu ajouter celle de la surprise, — même au prix d’une véritable trahison vis-à-vis du droit des gens et même du droit tout court. C’est ainsi qu’avait été violé et envahi le territoire neutre de la Belgique, route traditionnelle parce que plus commode, des grandes invasions germaniques vers le bassin parisien. Raccourcissant le chemin qui la mènerait de notre frontière à Paris, l’Allemagne évitait par surplus les places fortes de notre frontière de l’Est, qu’elle saurait bien, à son sens, prendre à revers, — si la défaite des armées françaises et l’occupation de Paris ne suffisaient pas à terminer la guerre en quelques semaines.

La violation de la neutralité belge par l’Allemagne avait forcé le haut commandement de modifier à la dernière heure ses dispositions. Celui-ci, au lieu de faire exclusivement face à l’Est avec la totalité de l’armée, avait été conduit à faire glisser vers le Nord une partie importante de ses forces. Sans renoncer à l’offensive projetée au delà des Vosges et sur la Sarre, il avait fallu essayer de déjouer le coup de Jarnac qui menaçait notre frontière Nord-Est et courir à la rencontre de