Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UNE HEURE SOLENNELLE DE L’HISTOIRE DE FRANCE

LA VICTOIRE DE LA MARNE

Du 5 au 10 septembre, le sort de la France et probablement de la civilisation occidentale s’est joué dans les plaines de la Marne. Sur un champ de bataille de près de 80 lieues, barrant, de Paris à Verdun, la route à la plus formidable invasion qui eût jamais menacé la France, la nation sous les armes a arrêté cette invasion, et si, en cette semaine mémorable, elle ne l’a pas complètement brisée, elle l’a en quelque sorte figée. En ces jours, l’armée française, grossie de quelques corps anglais, a sauvé non seulement un pays de la ruine, mais l’Europe du joug redoutable suspendu sur elle. Entre Seine et Aisne, entre les côtes de Meuse et la banlieue de Paris, plus de deux millions d’hommes s’affrontèrent, représentant non point seulement des nations séculairement ennemies, mais deux idées, et l’on peut écrire deux mondes. Ce n’est point, comme à Iéna ou Sedan, deux armées qui en viennent aux mains pour vider une querelle dont telles ou telles provinces paieront les frais. Une question se pose pour la France et peut-être pour l’Allemagne, le 4 septembre 1914, au soir : Être on ne pas être. Mais, par surcroit, la chute de la France livrerait l’Europe et sa victoire la libérera. La bataille de la Marne marque une des heures les plus solennelles que la France ait connues, un des cinq ou six momens où elle a paru, — au bord de l’abime, — jouer une partie suprême — et l’a gagnée.

Il est beaucoup trop tôt, je crois, pour prétendre écrire une