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De toute façon, sous lui ou sous un autre, mais visiblement à la mode allemande, en fanfare, dans de grandes vues, avec un gros souci de l’effet, les Bulgares ont attaqué aux deux extrémités de l’arc qu’elle tend, sur une longueur de 250 kilomètres, notre armée de Salonique. Notre aile gauche, tenue par les Serbes, a été obligée de se replier un peu, entre Florina et Banica, à l’Ouest du lac Ostrovo, d’où elle continue de surveiller le chemin de fer dans la direction de Monastir. Mais, à l’Est du lac, les Serbes, plus ardens que jamais, occupent puissamment la région montagneuse qui sépare les deux bassins de la Tcherna et de la Moglenica. Aux plus récentes nouvelles, ils ont repris le contact et ils « progressent. » De même, sur notre aile droite. Les Bulgares n’ont pu résister au plaisir de détacher tout de suite une patrouille vers Cavalla, qu’ils brûlent de leurs convoitises, et pour la possession toute seule de laquelle ils auraient fait la guerre à la Grèce, s’ils avaient jugé que c était la peine de faire la guerre à la Grèce du roi Constantin. (Heureusement, il y a des indices qu’une autre Grèce, moins indigne de ses légendes classiques, se réveille.)

Dès le lendemain du jour où, par un déclenchement précipité, et grâce à des complaisances qu’on eût pu croire abandonnées depuis que le juste ressentiment de l’Entente avait fait chasser le ministère « Skouloudogounaris, » les émissaires du pseudo-tsar Ferdinand s’étaient glissés dans les forts grecs vidés et livrés sans défense, nos troupes poussaient, sur la rive gauche de la Strouma, par Kavakli, Kalendra et Tovalova, une reconnaissance entre Serès et Barakh ; s’y étant heurtées aux Bulgares, en nombre supérieur, descendus de Demirhissar, elles se sont retirées jusqu’au fleuve, dont elles gardent les têtes de pont, et d’où elles dispersent sous leur feu tous les rassemblemens de réguliers ou de comitadjis.

En revanche, au centre de la ligne, au sommet de l’arc, au point médian d’où peut être lancé le trait, d’où peut partir notre offensive soit, plus à l’Orient par la vallée de la Strouma, soit, plus à l’Occident, par la vallée du Vardar, à cheval sur la voie ferrée qui relie ces deux vallées de Guevgueli à Vetrina par Karasouh et Kilindir, nous sommes établis sur les contreforts des monts Bélès, en trois assises, autour de Poroj et de Sugovo, autour du lac de Doiran, autour de Mayada et de Ljumnica, attendant l’heure qui va sonner à notre horloge, et peut-être à une autre horloge simultanément. Tout justement c’est parce qu’ils savent, aussi bien et mieux que nous, que cette heure est près de sonner, c’est pour cette raison que les Bul-