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l’offensive russe par la décongestion du front oriental, en aspirant et retenant tout ce qui restait de réserves stratégiques à l’Allemagne. Nul n’en est plus pénétré que nous-même : ce n’est pas, ce ne peut pas être ici le lieu de considérations spéciales et techniques, ou simplement de descriptions militaires pour lesquelles nous manquerions tout à fait de compétence. Cette chronique est bien une « histoire » de la quinzaine ; mais son titre ajoute qu’elle en est une histoire « politique. » Si nous en consacrons une partie aux opérations de guerre, c’est qu’évidemment « l’histoire » aujourd’hui est, d’abord, l’histoire de la guerre : disons plus : c’est qu’il ne saurait y avoir, aujourd’hui, de politique qui ne soit la politique de la guerre. La situation militaire, déterminée par quelques questions : — Où en sommes-nous ? — Quelle avance avons-nous réalisée, et quelle avance ont réalisée nos alliés ? — Quels signes d’épuisement ou de fatigue donnent nos adversaires ? — Quel point attire particulièrement et réclame l’attention ? — la situation ainsi définie, étant la base de l’histoire et de la politique, en ce temps de guerre semi-universelle, est dans ses traits principaux, dans ses directives qui se dégagent des faits, la base de nos chroniques de la quinzaine. Pour le surplus, pour le détail que nous n’apercevons pas et le jugement que nous nous interdisons de formuler, nos collaborateurs y pourvoiront.

A regarder les choses de loin et en leur ensemble, comme, ici, nous devons le faire, le front russe paraît présenter ce spectacle. Après le gigantesque effort qui a ramené les armées de Broussilow en Galicie et en Bukovine, et qui, en cet instant, est non pas suspendu ni détendu, mais ramassé pour un nouvel élan, — le temps de dénombrer les trophées, plus de 350 000 hommes et plus de 400 canons capturés, — il semble qu’on discerne surtout cinq foyers, cinq centres d’action. Ce sont, du Nord au Sud : premièrement, vers Vilna, les environs du lac Narotch, Smorgonié et Molodetchno ; noyau de la résistance allemande, puisque c’en est fini de la ruée sur Petrograd ou sur Moscou et que, pour l’Allemagne, en Russie comme ailleurs, il n’est plus question que de « résister, » ce qui accuse ou avoue le renversement complet et des plans et des rôles.

Ensuite, plus bas, vers Kruschin et Baranovitchi, à la bordure septentrionale des marais du Pripet, sur la voie ferrée de Brest-Litovsk à Minsk. Et puis, sur le Stokhod, au Nord-Ouest de Loutsk, au Sud-Ouest de Kovel ; autre noyau de résistance acharnée : jusque là, depuis Riga, depuis la Baltique, c’est le commandement suprême, le domaine, l’empire, imperium, d’Hindenburg, à qui les Russes