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quinze degrés (qu’on est convenu de considérer comme étant la température normale de l’air) avec une vitesse d’environ 340 mètres à la seconde, se propagera à la même température à la vitesse de 350 mètres dans un vent de même sens de 10 mètres à la seconde, et n’aura plus au contraire que 330 mètres, si ce vent est contraire. Lorsque le vent a une direction non plus parallèle à celle du son, mais inclinée sur elle, c’est une composante seulement de la vitesse du vent qui agit.

La vitesse du son du canon (et parallèlement de tous les sons) varie d’ailleurs beaucoup d’un milieu à l’autre. Elle est quatre fois plus grande dans l’hydrogène que dans l’air. Dans l’eau également, le son se propage environ quatre fois plus vite que dans l’air. Dans le sol aussi il a une vitesse très supérieure à sa vitesse aérienne et d’ailleurs variable avec la nature des terrains. Ceci fait qu’en collant son oreille au sol lorsqu’on tire un coup de canon éloigné, on entend plus tôt le bruit du coup que si on l’écoute dans l’air.

La température de l’air, qui diminue, comme on sait, à mesure qu’on s’éloigne du sol, a des effets analogues à ceux du vent : la vitesse du son qui est, comme nous l’avons dit, de 331 mètres à zéro degré, augmente ou diminue d’environ 60 centimètres pour chaque degré de température en plus ou en moins. Un écart de température de dix degrés, dans l’atmosphère, correspondra donc normalement à un vent contraire de 6 mètres par seconde. Il s’ensuit que plus les couches d’air voisines du sol sont chaudes par rapport aux couches élevées, plus le son sera dispersé vers le haut, moins un observateur relativement rapproché l’entendra. Ceci nous permet de concevoir l’explication d’un certain nombre de faits assez souvent observés et dont on aperçoit très bien la cause, grâce à ce que nous venons de dire. D’abord, on sait depuis longtemps qu’on entend mieux le canon la nuit que le jour. On avait tenté d’expliquer ce fait, en disant que le silence de la nuit nous permet d’entendre des bruits qui sont noyés dans les mille bruits confus du jour. On a invoqué aussi une sorte de suppléance des sens qui ferait que notre ouïe est d’autant mieux développée que nous voyons moins. Ces explications sont faciles à réfuter. Mais les météorologistes savent que, la nuit, la différence de température existant entre le sol qui n’est plus chauffé par le soleil, et l’atmosphère, le « gradient, » pour parler le langage hermétique des spécialistes, est plus petit que le jour. Cela suffit à expliquer la portée nocturne plus grande des sons du canon. C’est sans doute pour le même motif que le canon s’entend mieux par temps couvert