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octobre 1914, fut perçu jusqu’à Groningue, à 270 kilomètres de là. Ce savant a même recueilli des observations faites le 28 octobre 1914, pendant un bombardement de la côte flamande par les gros canons de la flotte anglaise, et d’où résulte avec certitude que ce bombardement fut noté à 290 kilomètres de là.

Une chose en vérité pourrait étonner dans tout cela, c’est qu’on n’ait pas observé des portées sonores encore beaucoup plus considérables, et en se plaçant dans des circonstances favorables, peut-être entendrait-on parfois actuellement la canonnade à des distances encore bien supérieures à celles que nous venons d’indiquer. Il y a à cela deux raisons : les canons de Mayence étaient perçus à une distance presque égale à celles-ci ; or, il est évident que la déflagration de la poudre dans les grosses pièces modernes est beaucoup plus puissante qu’elle ne l’était naguère dans les canons de la Révolution ou de l’Empire. Or, c’est cette déflagration qui, en ébranlant l’air, produit le martial fracas célébré par la Carmagnole. Il est vrai pourtant que, d’après les recherches récentes des pyrotechniciens, le rayon dans lequel une substance explosive exerce un effet mécanique déterminé est proportionnel seulement à la racine carrée de la charge, c’est-à-dire que, pour une charge quadruple, ce rayon est seulement double. Si on admet pour l’intensité du son produit une loi analogue, — et c’est ici une hypothèse personnelle que j’émets, mais elle est fort vraisemblable, — il en faut conclure qu’on ne doit pas s’attendre à voir dépasser beaucoup actuellement les portées obtenues lors des guerres précédentes dans l’audition du canon. Dans tout ceci nous parlons surtout du coup de canon lui-même ; mais toutes ces remarques s’appliquent également au bruit de l’éclatement des projectiles. Celui-ci d’ailleurs m’a toujours paru, personnellement et toutes choses égales d’ailleurs, bien moins intense que le bruit du coup de canon lui-même, du moins pour les grandes vitesses initiales.


D’autres circonstances doivent, en revanche, faire varier énormément la portée ordinaire des sons, ce sont les conditions météorologiques qui la multiplient parfois d’étonnante façon. C’est ainsi que le célèbre physicien anglais Tyndall, au cours d’une série d’expériences systématiques dont il fut chargé naguère par l’Administration anglaise, constata que la portée maxima de certains signaux (coup de canon, sirène, etc.), émis d’un point de la côte, variait en mer, suivant les jours, entre 3 et 21 kilomètres. Les mêmes sons étaient donc certaines