indignent maître Clément : ces chanls, ces pompes, ces mines et tout cela « qui est, mon Dieu, ce que tu abomines ! » Vénus, à Venise qui porte le nom de la déesse voluptueuse, est plus révérée qu’au temps des Grecs en l’île de Cythère. Et à Venise, il y a trop de Juifs, de Turcs, et Arabes, et Mores : eh ! quoi, trop sévère, Marot va-t-il reprocher à Venise la tolérance dont il profite ? or, il profite de la tolérance qu’il dédaigne sous les espèces du scepticisme !… Il put enfin quitter Venise et retourner en France. Alors, les vers qu’il avait écrits près de l’étang salé vénitien, il les publia. Mais il les corrigea. Près de l’étang salé vénitien, naguère, il invoquait la duchesse de Ferrare et l’engageait à se souvenir
De cestuy là que retiras pour rien
Quand il fuyait la fureur serpentine
Des ennemis de la belle Christine…
Et, la belle Christine, c’est la religion du Christ selon maître Calvin. De retour à Paris, plus circonspect, il imprima :
Quand il fuyait la fureur et les ruses
Des ennemis d’Apollo et des muses.
Rabelais est peut-être allé à Venise ; et on le croirait un peu, quand
il parle du peuple d’île des Macreons qui étaient charpentiers et tous
artisans « tels que voyez en l’arsenal de Venise ». Brantôme est allé à
Venise et il en a goûté la vie « courtisanes que, plaisante et heureuse ; »
hélas ! les mémoires de Brantôme sont perdus. Montaigne est allé à
Venise. Il aimait beaucoup les voyages et aurait voulu passer ses
jours, dit-il, « le cul en selle. » Mais son journal de Venise, il ne l’a
pas rédigé lui-même : un secrétaire nota quelques promenades, une
visite à une belle courtisane, Veronica Franco, douce femme et bien
lettrée. Montaigne ne fit que passer à Venise, parce qu’il eut « la
coUcque. » Et c’est dommage que l’on n’ait pas de lui un essai sur
Venise ; car il avait la tête bien faite et il eût préservé d’imprudence
ou de hâblerie, touchant Venise, maints écrivains qui vinrent après
lui.