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À l’Est, les troupes saxonnes de von Hausen, par les garennes de la Champagne pouilleuse, essayeront d’atteindre Fère et Sommesous. Au centre s’allongent les marais, la grande fosse verdàtre dont nous tenons fortement la lisière méridionale, appuyés sur les crêtes voisines. Mais que la double manœuvre de von Bülow et de von Hausen réussisse au Sud, et voilà nos troupes bloquées, prises dans cette résille vaseuse qui verra se renouveler le désastre des Marie-Louise. Et peut-être, pour l’ennemi, eùt-ce été la vraie tactique à suivre ; c’était, en tout cas, la vieille manœuvre d’enveloppement chère aux stratèges d’outre-Rhin. Mais, pour qu’elle jouât à coup sur, il eût fallu négliger de parti pris les marais et Mondement, nous tromper devant eux par une couverture et porter tout l’effort sur les deux ailes, qui se fussent rejointes à Sézanne ou à Pleurs.

L’ennemi en jugea différemment. Hypnotisé par Mondement et le feu que nous dirigions des hauteurs voisines sur ses troupes, il voulut emporter de vive force le château, qui est bien la clef stratégique des marais, mais des marais seulement. Cette tactique le condamnait à emporter aussi la rive méridionale. Il l’aurait pu le matin du 5, en doublant les étapes et alors que nous nous repliions sur Gorroy. Cela devenait plus malaisé à partir du moment où nous faisions tête. Il y réussit partiellement néanmoins à la fin de la journée.

Les marais de Saint-Gond, qui s’étendent de l’Est à l’Ouest, non pas sur 15 lieues de long, comme l’écrivait, au xviie siècle, ce grand hâbleur de Bassompierre, mais sur 18 kilomètres de long et 4 ou 5 de large, sont coupés par un certain nombre de routes, dont quelques-unes, à vrai dire, ne sont que d’étroites chaussées. Les meilleures, les plus solides et les seules capables de porter de l’artillerie lourde, franchissent les marais à leurs extrémités (Saint-Prix, Morains-le-Petil) et au centre (de Joches à Broussy). Sans dédaigner par la suite les autres passages, l’ennemi commença par s’assurer la possession de ces trois routes essentielles. La plus grande partie de son artillerie lourde, d’ailleurs, demeurait en arrière, sur les crêtes : Toulon-la-Montagne, que nous allions essayer de lui enlever le jour même, Courjeonnet, les Hauts de Congy, la côte de Chenaille, le bois d’Andecy. Sur Morains-le-Petit, ce sont les corps saxons qui attaquent en réponse à notre offensive. Sur Mondement,