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millier environ au mois d’août. A grand’peine on en logeait quelques centaines à la fois ; mais bientôt la marche rapide des Allemands sur Paris refoulait les populations de la Champagne, de la Picardie, de l’Artois, de l’Ile-de-France, si proche ; puis arrivèrent les fugitifs d’Anvers et d’Ypres, et en novembre, décembre et janvier, les gens de Reims et de Soissons, épouvantés par le bombardement ininterrompu. Au commencement de mars, plus de 15 000 réfugiés avaient déjà passé par Saint-Sulpice, et depuis le chiffre s’est élevé jusqu’à 22 000 avec une permanence d’hospitalisés entre 1200 et 1 800 par jour.

A chaque étage, placés en plantons, des équipes de gardiens de la paix surveillent de nuit et de jour les occupans des huit cents chambres et des dortoirs. Dans les cours, les jardins débroussaillés et nettoyés, des centaines d’enfans s’ébattent au grand air sous la surveillance paternelle des mêmes agens qui accompagnent encore les enfans aux écoles libres ou laïques, selon le désir de leurs parens. Mais c’est dans la vaste cuisine qu’il faut les voir, munis de tabliers, taillant des quartiers de viande et préparant environ trois mille repas chaque jour. Sans eux, l’œuvre n’aurait jamais pu fonctionner ; grâce à eux, elle est dotée d’une administration parfaite.

Les habitans du quartier, les gens des Halles apportèrent leur contribution. Peu à peu les salles se garnirent de meubles, et en janvier il y avait des lits pour tout le monde. Au vestiaire s’alignent des vêtemens de tous genres à côté des chaussures remises à neuf par les industrieux agens. Douze dames, sous la direction de Mme Paul Peltier, distribuent quotidiennement des habits à plus d’une centaine de cliens.

Le linge et les vêtemens déchirés sont raccommodés dans un ouvroir où travaillent des femmes réfugiées, ce qui leur permet de gagner quelque argent et de collaborer à l’œuvre commune. Une pouponnière hospitalise de soixante à quatre-vingts bébés confortablement installés, pauvres petits êtres nés dans les circonstances les plus tragiques. Pour les enfans de deux à six ans qui ne vont pas à l’école, on a aménagé une garderie. Enfin, un dortoir a été créé, et une table préparée dans le réfectoire pour les soldats éclopés ou convalescens des régions envahies qui, ayant une permission de quelques jours, ne peuvent rentrer dans leurs foyers.

Commencée avec un capital de huit cents francs, l’œuvre du