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passe-temps, mais un outil qui pût leur être utile et les aider à acquérir un métier.

La vannerie, — tout indiquée aussi pour les aveugles qui s’en acquittent très bien, — est un métier qu’il est bon de pousser activement en France autant par philanthropie que par patriotisme. On ignore généralement qu’il était presque entièrement entre les mains des Allemands qui, dans une proportion de 80 pour 100, envoyaient à nos fleuristes les corbeilles légères dont il est fait une si grande consommation à Pâques et au Jour de l’An. La vannerie peut donc devenir un véritable métier, de même qu’elle peut ne constituer qu’un salaire d’appoint très appréciable. Elle convient fort bien au mutilé des jambes, inapte à certaines besognes et dont elle peut remplir les loisirs. Bien d’autres métiers sont d’ailleurs dans ce cas. Il suffit pour s’en rendre compte de se rappeler toutes ces petites industries que l’ancienne famille française exerçait Jadis au foyer ; le tissage en Bretagne et en Normandie, l’horlogerie en Franche-Comté, la sculpture sur bois en Auvergne et dans les Landes [1].

Dans un grand nombre d’hôpitaux ou de maisons de convalescence, telle aussi la Maison des Aveugles de la rue de Reuilly, s’ouvre dans les parloirs une exposition permanente plus ou moins complète des objets confectionnés par les blessés. Celle de la Maison-Blanche fut inaugurée le 14 juillet et mérite une mention spéciale en raison des innovations qu’y a apportées, de Nantes, M. l’abbé Violet, actuellement mobilisé, venu ici pour y continuer ses formations. Les ouvriers, tous des soldats mutilés, viennent au nombre de 125, de leur plein gré, s’exercer sous la direction des professeurs de bonne volonté. Des femmes du monde ne craignent pas de faire, une ou deux fois par semaine, le voyage de Paris à Neuilly-sur-Marne pour enseigner avec patience un art ou un métier qu’elles possèdent ou ont appris à cette intention.

Les mutilés d’un bras ont aussi voulu donner la mesure de ce qu’ils savent faire et les dames visiteuses ont dû s’ingénier pour leur découvrir une occupation. Ils excellent au macramé dont ils exécutent le point noué avec leur main et leurs dents ; ils réussissent aussi de jolis travaux en pyrogravure et peinture

  1. La marquise de Chastellux-Duras fait tricoter des chaussettes et des chandails aux convalescens de l’ambulance dont elle a pris la direction.