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La guerre a enseigné à chacun plus d’une leçon, et. Il a fallu appliquer en grand le principe de la division du travail. Tandis qu’au front, les soldats paraient l’attaque et défendaient la ligne infranchissable qui protège le sol et le foyer, les femmes s’organisaient en formations d’arrière et s’apprêtaient à accueillir comme ils doivent l’être ceux que le sort des armes a mis hors de combat. Pour tirer le mutilé de sa détresse, il n’est qu’un moyen, un seul, c’est de redonner au malheureux, avec le goût du travail, la raison de vivre, c’est-à-dire l’espoir de n’être plus inutile. Il en fut ainsi à Dinard, où une femme de bien, frappée des inconvéniens que présente le désœuvrement qui succède invariablement aux premiers jours de repos nécessaires aux soldats, ouvrit pour eux un refuge ou, plus simplement, devint locataire d’un atelier de menuiserie où les apprentis vinrent nombreux et trouvèrent un charme infini à ce travail qui n’était pas obligatoire. A la menuiserie fantaisiste, au découpage et montage de jouets s’adjoignit le modelage et plus de cinquante ouvriers passèrent par là.

Cette première tentative, toute réussie qu’elle fût, n’était en réalité qu’une indication, très importante, il est vrai. Elle prouvait que le travail était le meilleur et le seul moyen d’intéresser tous ces soldats convalescens, blessés et mutilés. On comprit qu’il fallait le leur présenter sous des formes diverses.

Les organisatrices de l’Œuvre des Blessés au travail s’y prirent d’une façon assez ingénieuse. A mesure que leur initiative se répandait, elles mettaient leur méthode à l’épreuve dans les différens hôpitaux où on les réclamait et y installaient des cours de travaux récréatifs : tricot, rafia, broderie, tapisserie, vannerie, passementerie, etc. A un moment donné, les professeurs devenant rares, il fallut fonder une école normale, et c’est là qu’avec une bonne volonté touchante les femmes du monde, qui avaient pris à cœur cette belle tâche, allèrent s’asseoir et s’improvisèrent écolières. Car, il ne s’agissait plus uniquement d’apprendre aux soldats à exécuter ces menus travaux que toute femme sait faire d’instinct et que certaines perfectionnent jusqu’à l’art véritable : les blessés, mis en goût, réclamaient une plus solide préparation ou plus justement, la prévoyance de leurs marraines, envisageant l’avenir par delà le présent, avait à cœur de mettre entre leurs mains non pas un jouet ou un simple